Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/636

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arrive que de son fond, et en vertu de ses propres lois, pourvu qu’on y joigne le concours de Dieu. Mais elle s’aperçoit des autres choses, parce qu’elle les exprime naturellement, avant été créée d’abord en sorte qu’elle le puisse faire dans la suite et s’y accommoder comme il faut, et c’est dans cette obligation imposée des la commencement que consiste ce qu’on (appelle) l’action d’une substance sur l’autre. Quant aux substances corporelles, je tiens que la masse, lorsqu’on n’y considère que ce qui est divisible, est un pur phénomène, que toute substance a une véritable unité à la rigueur métaphysique, et qu’elle est indivisible, ingénérable et incorruptible, que toute la matière doit être pleine de substances animées on du moins vivantes, que les générations et les corruptions ne sont que des transformations du petit au grand ou vice versa, et qu’il n’y a point de parcelle de la matière, dans laquelle ne se trouve un monde d’une infinité de créatures, tant organisées qu’amassées ; et surtout que les ouvrages de Dieu sont infiniment plus grands, plus beaux, plus nombreux et mieux ordonnés qu’on ne croit communément ; et que la machine on l’organisation, c’est-à-dire l’ordre, leur est comme essentiel jusque dans les moindres parties. Et qu’ainsi il n’y a point d’hypothèse qui fasse mieux connaître la sagesse de Dieu que la nôtre, suivant laquelle il y a partout des substances qui marquent sa perfection, et sont autant de miroirs mais différents de la beauté de l’univers ; rien ne demeurant vide, stérile, inculte et sans perception. Il faut même tenir pour indubitable que les lois du mouvement et les révolutions des corps servent aux lois de justice et de police, qui s’observent sans doute le mieux qu’il est possible dans le gouvernement des esprits, c’est-à-dire des âmes intelligentes, qui entrent en société avec lui et composent avec lui une manière de cité parfaite, dont il est le monarque.

Maintenant je crois, Monsieur, de n’avoir rien laissé en arrière de toutes les difficultés que vous aviez expliquées, ou au moins indiquées, et encore de celles que j’ai cru que vous pouviez avoir encore. Il est vrai que cela a grossi cette lettre ; mais il m’aurait été plus difficile de renfermer le même sens en moins de paroles, et peut-être que ce n’aurait été sans obscurité. Maintenant je crois que vous trouverez mes sentiments assez bien liés, tant entre eux qu’avec les opinions reçues. Je ne renverse point les sentiments établis ; mais je les explique et je les pousse plus avant. Si vous pouviez avoir le loisir de revoir un jour ce que nous avions enfin établi