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21 Septembre 1792

EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL
DE
LA CONVENTION NATIONALE


Séance du 21 Septembre 1792, l’an 4me de la Liberté, le 1er  de l’Égalité, onze heures du matin.
Imprimé et envoyé aux Départements et aux Armées, par ordre de la Convention nationale.


« La Convention nationale decrète que la royauté est abolie en France. »

La Convention nationale réunie au bâtiment national des Tuileries, M. Tallien, secrétaire provisoire comme l’un des plus jeunes d’âge, lit le procès-verbal de la veille.

Après quelques observations, la rédaction du procès-verbal est adoptée.

Un membre propose que les députés à la Convention nationale, qui l’étoient aussi à l’Assemblé législative, soient invités à surveiller dans les divers comités où ils ont travaillé, les papiers qui y sont déposés.

Cette proposition est décrétée.

Sur la motion d’un autre membre, il est décrété que douze commissaires iront sur-le-champ notifier au Corps législatif que la Convention nationale s’est déclarée constituée.

Les douze commissaires sont nommés, et partent pour se rendre à l’Assemblée législative.

On propose ensuite de nommer un Vice-Président.

D’une part, on réclame la question préalable sur cette proposition.

D’une autre, on demande qu’il soit décrété que c’est pour cette fois seulement qu’il sera nommé un Vice-Président.

Mais, sur l’observation que ce mot seulement supposeroit un engagement que la Convention nationale ne doit pas contracter, le décret est rendu en ces termes :

« La Convention nationale décrète qu’il sera nommé pour cette fois un Vice-Président ».

Un membre ayant demandé que le premier secrétaire soit nommé Vice-Président, cette proposition est rejetée ; et il est décrété que le Vice-Président sera élu par appel nominal et dans la même forme que le Président.

Un membre propose de voter des remerciements à l’Assemblée législative.

La question préalable est invoquée ; on la fonde sur ce que l’Assemblée législative, en faisant ses efforts pour assurer le triomphe de la liberté, n’a fait que remplir son devoir : la question préalable est adoptée.

Un membre propose que l’Assemblée prête le serment de maintenir la liberté et l’égalité, ou de mourir en les défendant.

Un autre répond que les amis de la liberté doivent la défendre par leurs actions et non par des serments.

Il est interrompu dans le cours de son opinion : aussitôt l’Assemblée décrète, que tout membre qui, sans avoir obtenu la parole du Président, interrompra un de ses collègues, sera rappelé à l’ordre et qu’en cas de récidive, il lui sera infligé une peine plus sévère.

On propose de suspendre toute délibération ou de n’en prendre que de provisoires, jusqu’à ce qu’on puisse délibérer publiquement.

Les commissaires envoyés au Corps législatif reviennent et rendent compte de leur mission.

Les citoyens qui composoient le Corps législatif arrivent en même-temps.

L’un d’eux dit :

« Représentants de la Nation,

» Les membres qui composoient l’Assemblée-nationale législative, instruits que la Convention nationale est constituée, ont cessé leurs fonctions. Ils ont arrêté en même temps que le dernier acte qu’ils feroient en corps seroit de venir vous chercher dans l’édifice national des Tuileries, offrir de vous conduire eux-mêmes dans le lieu de vos séances, se féliciter d’avoir déposé dans vos mains les rênes de l’autorité, et donner les premiers l’exemple de s’incliner devant la majesté du peuple que vous représentez.

» Nous devons en effet vous applaudir spécialement de vous voir rassemblés, puisque c’est à notre voix que la nation vous a choisis ; et qu’en se rendant à notre invitation, toutes les assemblées primaires de France ont consacré unanimement les mesures extraordinaires que nous avons dû prendre pour sauver vingt-quatre millions d’hommes de la perfidie d’un seul.

» Les circonstances difficiles où nous nous sommes trouvés depuis la mémorable époque du 10 août, auroient exigé sans doute les ressources et les pouvoirs dont vous seuls possedez aujourd’hui la plénitude. Nous avons fait, provisoirement, ce qu’exigeoient les intérêts urgens du peuple, sans empiéter sur l’autorité qui ne nous étoit point déléguée. Enfin, Représentans, vous êtes arrivés investis de la confiance illimitée de cette grande et généreuse Nation, chargés par elle de faire entendre aux ennemis du dehors la voix de son indépendance, autorisés à enchaîner au dedans le monstre de l’anarchie, en état de faire disparoître tous les obstacles et de courber toutes les têtes, sans distinction, sous le glaive vengeur et sauveur de la loi. Les troubles n’ont plus de prétexte, les divisions n’ont plus d’objet ; il n’y a plus que la Nation qui veut la liberté et l’égalité, et qui vous a nommés pour les fonder sur des bases inébranlables. Remplissez, Représentans, vos grandes destinées ; réalisez les promesses que nous avons faites pour vous, et que le peuple français vous doive bientôt, d’une manière solide, ces trois dons, les premiers et les plus précieux que le ciel puisse faire aux hommes, la liberté, les lois, la paix : la liberté, sans laquelle les Français ne sauroient plus vivre ; les lois, qui sont le plus ferme fondement de la liberté ; la paix, qui est le seul objet et la fin de la guerre. La liberté, les lois, la paix, ces trois mots furent gravés par les Grecs sur les murs du temple de Delphes : vous les imprimerez en caractères ineffaçables, sur le sol entier de la France ; et chacun de nous, de retour dans son département respectif, va inspirer partout la confiance dans votre sagesse, le respect pour les lois existantes, en attendant celles qui vont émaner de votre autorité tutélaire ; la soumission au gouvernement populaire et libre que vous allez établir ; et le vœu le plus formel de maintenir, entre toutes les parties de ce vaste empire, l’unité, dont votre auguste Assemblée est désormais le centre commun et le lien conservateur. »

M. le Président fait la réponse suivante :

« Vous avez avancé le terme de votre pénible carrière. Vous avez eu à lutter sans relâche contre un pouvoir investi de tous les moyens de force et de corruption, qui n’a cessé d’entraver votre marche, de paralyser vos opérations et de pervertir l’esprit public. On n’a pas assez remarqué combien votre impuissance enchaînoit votre zêle. Etablis gardiens d’un dépôt que la superstition nationale rendoit sacré, que vous aviez juré de remettre intact, vous vous trouviez sans autorité pour le défendre. Lorsque vous avez vu que ce dépôt couroit des dangers imminens, et que la liberté alloit périr avec lui, vous avez pris un parti noble, courageux, le seul qui pût sauver la chose publique. Vous avez averti la Nation ; à votre voix, elle s’est levée toute entière, elle nous a envoyés pour assurer ses droits et son bonheur sur des bases plus solides. Nous allons nous occuper de cette mission auguste avec ce recueillement profond qu’elle inspire. Nous ne perdrons jamais de vue que nous tenons dans nos mains les destinées d’un grand Peuple, du monde entier et des races futures ; ces idées éleveront notre âme, soutiendront notre courage, feront disparoître toutes ces petites passions, qui dégradent l’homme, toutes ces prétentions méprisables de la jalousie et de l’orgueil. Lorsqu’on travaille pour le genre humain, la seule ambition est de faire son bonheur. »

On demande l’impression du discours et de la réponse.

On en demande aussi l’insertion au procès verbal et l’envoi aux départemens ; mais la Convention nationale, empressée d’aller délibérer en présence du peuple, se rend au lieu ordinaire des séances du Corps législatif.

Là, on relit le procès-verbal de la séance de la veille.

Un membre demande que le président de la Convention nationale soit logé au bâtiment des Tuileries.

Cette proposition est écartée par la question préalable.

Plusieurs motions se succèdent.

On propose de déclarer que la Convention nationale étant investie de l’exercice de la toute-puissance du peuple, les pouvoirs constitués cessent d’exister, et néanmoins qu’ils sont provisoirement autorisés à continuer leurs fonctions.

Que la Convention nationale ne donnera d’autres bases à la nouvelle Constitution que la liberté et l’égalité, et qu’elle ne se séparera pas sans avoir terminé ce grand ouvrage d’où dépend le bonheur de la France.

Que toutes les lois seront présentées à l’acceptation du peuple.

On propose de jurer la souveraineté, et rien que la souveraineté du peuple, de vouer à l’exécration universelle toute proposition de dictature, triumvirat, ou autre autorité semblable contraire aux droits du peuple.

De punir de mort celui qui voudroit établir une autorité héréditaire. De mettre sous la sauvegarde de la Nation les personnes et les propriétés.

De déclarer que les contributions publiques continueront à être perçues.

La discussion s’ouvre sur ces motions. Plusieurs amendements, plusieurs rédactions sont présentés.

On ferme la discussion. Les décrets suivants sont rendus.

« La Convention nationale déclare 1°. qu’il ne peut y avoir de Constitution que celle qui est acceptée par le peuple. »

» 2°. Que les personnes et les propriétés sont sous la sauvegarde de la nation.

» La Convention nationale décrète que, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, les lois non abrogées seront provisoirement exécutées ; que les pouvoirs non révoqués ou non suspendus sont provisoirement maintenus ; et que les contibutions publiques existantes continueront à être perçus et payées comme par le passé. »

Un membre demande que la Convention nationale s’occupe des élections à faire les dans corps administratifs ou judiciaires, et qu’elle prononce sur celles qui ont été faites par les assemblées électorales.

Cette proposition est ajournée.

On annonce qu’une compagnie de Chasseurs demande à prêter serment devant l’assemblée et à défiler dans son sein.

Mais alors un membre dit qu’aux déclarations solennelles faites par la Convention Nationale, il en est une qu’on ne sauroit différer d’ajouter, parce qu’elle est dans le cœur de tous les Français ; c’est celle que la royauté est abolie en France.

M. le Président veut mettre la proposition aux voix. Tous les membres de l’Assemblée se lèvent par un mouvement spontané ; et par des acclamations unanimes, ils protestent de leur haine contre une forme de gouvernement qui a causé tant de maux à la Patrie.

Un membre observe que quelque unanime que soit l’opinion de l’Assemblée sur une question aussi importante, il est de sa dignité de se défendre de l’enthousiasme. On répond que l’Assemblée ne cède point en cette occasion à l’enthousiasme, mais aux sentimens d’indignation dont tout homme libre doit être pénétré contre la royauté.

La proposition est mise aux voix et décrétée à l’unanimité, en ces termes :


LA CONVENTION NATIONALE DÉCRÈTE QUE LA ROYAUTÉ EST ABOLIE EN FRANCE.


Sur la motion d’un membre, on décrète que le procès-verbal de la séance sera envoyé aux départemens et aux Armées, par des courriers extraordinaires ; que le décret qui prononce l’abolition de la royauté, sera proclamé solennellement demain par la municipalité de Paris ; et dans toutes les municipalités, le lendemain de sa réception.

Un membre propose que pour célébrer un si mémorable événement le canon soit tiré, et que le soir on illumine les rues de Paris ; mais on passe à l’ordre du jour, sur l’observation que le pleuple français aime trop ardemment la liberté, pour qu’il soit nécessaire de l’exciter à témoigner sa joie lorsqu’on prononce la destruction de la tyranie.

La compagnie des chasseurs, qui avoit demandé son admission, est introduite. Elle prête le serment de maintenir la liberté et l’égalité, ou de mourir en les défendant. Elle offre en don patriotique pour les frais de la guerre, un jour de sa paye. La somme s’élève à 225 livres. Le président, au nom de l’Assemblée, applaudit au civisme de ces braves soldats : ils défilent devant l’Assemblée.

On reprend la proposition de décréter l’impression du discours prononcé au bâtiment national des Tuileries par l’orateur des citoyens qui composoient l’Assemblée nationale législative, et celle de la réponse du président de la Convention nationale, d’en ordonner l’insertion au procès-verbal et l’envoi aux départemens : cette proposition est décrétée.

L’Assemblée s’ajourne à sept heures du soir.

La séance est levée.

Signé :
PÉTION, Président ;




Paris. — Imprimerie BERNARD, 9, rue de la Fidélité.


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