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L’Art de se

mens, & se demander à soi-méme, si tout cela vaut la peine que l'on régrette le passé. Que s'il plaisoit à l'Auteur de la nature, de faire d'un côté tres-diftinctement

tre à un esprit, qui est formé pour animer un corps, la dignité & les perfections de la nature, la grandeur de sa fin, & la noblesse de son origine ; & que de l’autre on lui apprît distinctement toutes les foiblesses, & toutes les dépendances basses & douloureuses, qu’il va épouser en épousant ce corps, n’est-il pas vrai que ce que vous nommez les premiers momens de sa vie, lui paroîtroient les premiers instans de sa mort ? Aussi a-t-il été neccessaire pour cette raison, que les sentimens confus de la nature, qui nous attachent à la vie, precedassent les idées distinctes qui sont assés propres en elles mêmes à nous en détacher, & que les premiers eussent naturellement plus de force que les autres. Car quoique Dieu ne veüille pas que nous nous attachions à la vie avec excez, l’Auteur de la nature a dû nous interesser dans la conservation de la nature corporelle, sans laquelle il n’y auroit point de Société.

La mort a deux faces tres-differentes l’une ne de l’autre, & même tres-opposées, selon qu’on la considere par raport à l’ame. Car on peut dire que la vie & la mort font cha-