Page:Abensour - Histoire générale du féminisme, 1921.djvu/170

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politique, non par la passion seulement, mais par le sens le plus exact et le plus subtil des choses, celle qui, pour le rayonnement intellectuel de la France et son prestige universel, fit autant que les habiles artisans de la plume, les profonds penseurs groupés autour de son char triomphal, celle-là reste confinée par la loi à la même humble place qu’elle occupait aux siècles de barbarie.

Toujours la femme doit à son mari une rigoureuse obéissance. Toujours celui-ci a droit sur le corps de son épouse, mieux, sur sa vie. Ne peut-il pas, en cas de désobéissance continue, la battre, en cas d’adultère, la tuer ? Certaines coutumes ne refusent-elles pas à la fille mariée tout droit sur l’héritage du père, et la plupart ne la font-elles pas, par la persistance du droit de masculinité, dépendante du bon plaisir de ses frères ? La coutume n’impose-t-elle pas à tant de malheureuses jeunes filles cette prise d’habit qui les condamne à une vie qu’elles détestent ? Et en face de quelques milliers de femmes nobles et de grandes bourgeoises qui sont vraiment l’esprit et l’âme d’une société qui les adore, à côté des quelques dizaines de milliers d’autres femmes qui, dans le château familial, la boutique ou la ferme, collaborent aux tâches de leur mari et savent au besoin les remplir seules avec honneur et profits[1]

  1. Une étude que nous ne pouvons faire ici, parce qu’elle dépasserait le cadre de notre sujet, mais qui trouvera place dans un ouvrage plus vaste actuellement en préparation (les Origines du Féminisme révolutionnaire), montrerait qu’en effet la femme, à la ville et à la campagne, joua au dix-huitième siècle un assez grand rôle économique. Bien des grandes dames s’occupèrent d’améliorer, sur leurs terres qu’elles surent exploiter suivant les méthodes les plus neuves, le sort de leurs