Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/119

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bien une machine qui joue mais qui n’en connaît pas les ressorts[1]. »

Ce tableau vaut pour le commencement du xviiie siècle. À la veille de la Révolution, les choses ont-elles changé ? Recueillons à ce sujet deux témoignages : « Les femmes, écrit Mercier en 1787, vont partout, jouent le rôle d’entremetteuses d’affaires, elles écrivent vingt lettres par jour, renouvellent les sollicitations, assiègent les ministres, fatiguent les commis et, à force d’agiter la roue de la fortune, elles y placent leurs amants, leurs maris, leurs amis et enfin ceux qui les paient[2] ».

Le baron de Besenval, de son côté, faisant allusion aux élévations de ministres au début du règne de Louis XVI, montre l’influence prépondérante des femmes dans toutes les intrigues de cour. « Cette moitié de la société, dit-il, décide souverainement de tout, les femmes sont toujours certaines de réussir par l’ascendant invincible qu’elles ont sur les hommes, qu’elles font agir à leur gré[3]. »

iii. Diversité d’origine de la noblesse féminine

Essayons maintenant de déterminer quelles femmes participent à la vie de la Cour et de la ville, quelles femmes forment vraiment le monde, la société, quelles femmes mènent cette vie brillante et compliquée qui permet de jouer sur la scène politique des rôles de premier plan.

Nous apercevons qu’il s’est fait parmi les femmes, comme parmi les hommes, de grands changements et que celles qui tiennent à Paris et à la Cour la première place, loin d’appartenir à une seule origine, viennent de points assez différents de la société. À la Cour, c’est la reine d’abord et les femmes de la famille royale. La reine n’a plus, au xviiie siècle, aucune de ces prérogatives qui, au moyen-âge, lui donnaient, tout comme au roi lui-même, une part dans l’administration du royaume et la faisaient participer à la souveraineté du roi. Elle n’a plus eu, au xviiie siècle, l’occasion de figurer à la cérémonie du sacre où, en théorie, elle a sa place. Elle a perdu son pouvoir de direction et de contrôle sur l’administration du domaine royal. Il lui reste bien quelques-unes des prérogatives royales, le pouvoir de plaider devant le parlement

  1. Montesquieu. Lettres persanes (Lettre C. VIII).
  2. Loc. cit.
  3. Besenval. Mémoires (Tome II).