Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/133

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d’autre part celle de la princesse de Conti, dont le fils, fort bien en cour, soutient la politique auprès du roi mais qui n’est elle-même que l’instrument de la politique de Chauvelin. Sans doute, un instant, Mme  de Pompadour semble évoluer et se rapprocher du parti dévot. Évolution apparente, et en tout cas temporaire ; autour d’elle se groupent de nouveau toutes les forces contraires au clergé et favorables au Parlement. Et, comme elles l’ont fait depuis de longues années, les femmes de la Cour, sans compter celles de la ville, continuent de se passionner pour la querelle entre le Parlement et les évêques. On ne parle plus à Versailles que de la bulle et de la Constitution et, tandis que le comte d’Argenson, chef du parti dévot, espère toujours substituer à la favorite une autre maîtresse, les philosophes et les parlementaires comptent sur la marquise.

Sur ces entrefaites, arrivent de graves événements extérieurs : l’attentat de Boscawen, la divulgation des traités secrets entre la Prusse et l’Angleterre, le renversement des alliances. Les femmes de la Cour, dès ce moment et au cours de la guerre de Sept Ans, se passionnent pour la politique extérieure. Elles parlent traités, action diplomatique, batailles et ne négligeant pas de déployer toute une science stratégique de fraîche date. « Ce que nous faisons, faisait-on écrire par Mme  de Pompadour à une de ses amies, nous parlons politique ; nous battons les Anglais[1]. »

Sans doute, beaucoup des femmes qui politiquent alors sont-elles dans le cas de la petite marquise qui arrive un jour toute essoufflée demander à Mme  de Pompadour des nouvelles de la guerre et qui, pressée de questions, finit par avouer qu’elle avait à l’armée « un homme aimable à qui elle voulait beaucoup de bien[2]. »

Mais à côté de la favorite, des Mme  de Tencin, des Mme  de Contant, de vraies femmes politiques, vraies professionnelles de l’intrigue, sont apparues : la maréchale de Mirepoix, qui souvent conseille particulièrement pour la politique extérieure, Mme  de Pompasour, la maréchale de Belle-Ile qui, elle-même gouvernée par des directeurs jésuites, gouverne son mari[3], Mme  de Puisieulx, la femme de la Cour qui a le plus d’influence sur son mari, non parce qu’il l’aime, mais parce qu’il la craint et qui, au cours du secrétariat de M. de Puisieulx aux affaires étrangères, poursuivit une

  1. Madame de Pompadour à la duchesse de Charost.
  2. Ibid.
  3. D’Argenson. Mémoires.