Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/137

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Sitôt Louis XV mort, les femmes de la Cour s’agitèrent furieusement autour de Louis XVI et de Marie-Antoinette, s’efforçant d’obtenir le choix d’un ministre selon leur cœur. Marie-Antoinette et son entourage espéraient faire quitter à Choiseul Chanteloup pour Versailles et le premier ministère. Malgré tous ses efforts, la reine ne peut réussir à faire triompher ses vues. Un autre parti incline pour Machault. Finalement, c’est Mme  Adélaïde, très influente alors sur l’esprit de Louis XVI, qui l’emporte. Elle était, nous l’avons vu, hostile au mariage autrichien. Son influence s’exerce en sens contraire de celle de Marie-Antoinette. Celle-ci, qui n’a pas encore conquis une très grande influence sur Louis XVI, ne peut faire revenir Choiseul et, les suggestions de Mme  Adélaïde étant écoutées, Maurepas est rappelé[1].

Lorsque, quelques mois après, il s’agit de choisir le contrôleur général, c’est un petit groupe de femmes encore qui contribue puissamment à le patronner. Comme elles s’étaient passionnées vingt ans plus tôt pour les questions religieuses ou peu de temps auparavant pour les questions de droit constitutionnel, les femmes s’enthousiasment pour les idées des physiocrates. C’est Mme  de Pompadour la première qui aurait contribué à attirer la faveur royale sur Quesnay ; le petit groupe de femmes physiocrates porte aux nues Turgot et annonce bien haut qu’il sera soutenu dans ses réformes[2].

Cet engouement pour Turgot, les femmes le reporteront peu après sur Necker. Lui aussi sera soutenu par une élite féminine réunies autour de sa femme et plus tard de sa fille et son salon sera le centre de la politique gouvernementale d’abord, puis, après sa chute, de l’opposition.

Cependant et tandis qu’on discute dans les cercles féminins sur la production des richesses, l’impôt foncier et le rendement des terres, les insurgents américains font leur déclaration des droits, puis leur déclaration d’indépendance et l’Angleterre envoie contre eux ses premières armées. Belle occasion, pense-t-on, pour trouver la revanche contre l’Angleterre. Encore une fois les femmes de la Cour sont le reflet et le guide de l’opinion publique.

Elles s’enthousiasment pour les insurgents et, laissant les discussions économiques, ne parlent plus que de leur juste cause. Quand Francklin arrive à Paris, les femmes lui font une réception enthousiaste. Pour le « sauvage », l’homme de la nature aux habits gris et

  1. Bachaumont. Mémoires secrets. — Mme  Campan. Loc. cit.
  2. De Besenval. Mémoires.