Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/152

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postérité, lié à celui de l’œuvre émancipatrice, on voit sur la toile de la Tour deux tomes à portée de sa main.

Si Quesnay, le père des physiocrates, dut, quoi qu’en dise Goncourt, sa faveur autant à la sympathie personnelle qu’éprouvait pour lui le roi qu’à la bonne volonté de la favorite, du moins celle-ci intervint-elle en faveur du marquis de Mirabeau, lorsqu’en 1760 son ouvrage sur la Théorie de l’impôt l’eut fait enfermer à Vincennes[1].

Trait plus caractéristique encore :

Elle s’intéresse à l’affaire Calas et, lorsque le malheureux a été condamné par le Parlement de Toulouse, collabore avec Voltaire à l’œuvre de réhabilitation.

Elle passait pour avoir lu au roi des morceaux des ouvrages composés en cette circonstance par Voltaire et avoir promis au philosophe qu’elle emploirait tout son crédit en faveur des innocents[2].

Le rapprochement de tous ces faits d’indications comme celles que nous trouvons dans les mémoires apocryphes de Mme  de Pompadour au sujet des réformes montrent que la favorite eut bien une politique personnelle. Sans doute, cette politique ne fut pas poursuivie avec rigidité, logique et parfaite harmonie et fut bien souvent subordonnée au souci de rester en faveur, contrariée par les haines personnelles, parfois mesquines, soumises à des impulsions capricieuses de jolie femme froissée.

L’exil de Machault et celui du comte d’Argenson, au moment où avait déjà commencé la guerre de Sept Ans, furent des fautes, les amis les plus dévoués de la marquise le reconnaissent[3].

Il n’empêche qu’elle n’ait poursuivi une politique dont toutes les parties semblent assez bien liées et que, comme l’ont remarqué, nous l’avons vu, ses ennemis eux-mêmes, elles n’ait voulu la réconciliation entre les partis, la tolérance, peut-être des réformes.

N’oublions pas en effet que Machault et Choiseul ont été choisis par Mme  de Pompadour premier ministre et que l’idée première d’une des plus importantes réformes de d’Argenson, la création de l’École militaire, lui doit être attribuée. Elle représente donc en face du parti de la résistance, dirigé par la coterie de la reine et du dauphin et le comte d’Argenson, un parti de mouvement. Et à

  1. Mme  du Hausset. Mémoires.
  2. Lettre à Voltaire, 1761, lettre au duc de Fitz-James, 1761.
  3. Le roi aimait beaucoup M. d’Argenson et la guerre avec l’Angleterre, sur terre et sur mer, exigeait qu’on ne renvoyât pas ces deux ministres (Hausset).