Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/229

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métiers que l’homme, il s’en faut de beaucoup cependant que l’égalité économique des deux sexes puisse apparaître comme établie.

La condition des femmes qui sont admises dans les corporations masculines est, en effet, la plupart du temps, moins bonne que celle des hommes. Dans la plupart des métiers, la femme n’est pas admise à titre d’ouvrière qualifiée, mais seulement à titre de manœuvre. Il semble que, dès ce moment, les hommes redoutent la concurrence de la main-d’œuvre féminine et que cette crainte, comme au xixe siècle, relègue les femmes dans les emplois inférieurs. Pourtant, à Lyon, elles sont non seulement petites mains, mais ourdisseuses, liseuses de dessins[1] ; à Tours, à Clermont, elles font un apprentissage qui leur permet de devenir ouvrières fileuses[2] et, dans les cas que nous avons cités, doreuses et passementières apparaissent bien comme des ouvrières qualifiées.

Naturellement, les salaires sont très faibles et toujours inférieurs à ceux des hommes : les ouvrières de la soierie, à Lyon, gagnent de douze à quinze sous. Le salaire moyen d’une ouvrière couturière est, au début du xviiie siècle du moins, de quatre à cinq sous[3]. Au milieu du xviiie siècle, une ouvrière passementière gagne en moyenne quatre livres par mois[4].

Dans la plupart des cas, il est vrai, les ouvrières reçoivent en outre leur nourriture.

Il est donc évident que la situation des ouvrières qui sont admises dans les corporations est, tant par la place qu’elles y tiennent que par les salaires qu’elles reçoivent, inférieure à celle des hommes. Comme, d’autre part, les maîtresses elles-mêmes ne parviennent à la maîtrise que sous certaines conditions bien déterminées et que leur droit d’exercer leur métier se trouve déterminé par certaines règles très strictes, comme les corporations exclusivement féminines sont peu nombreuses, on ne peut dire que, sous le régime corporatif, l’égalité économique entre l’homme et la femme ait, comme on l’a soutenu quelquefois, véritablement existé.

Le système corporatif d’ailleurs entravait durement, et plus encore chez les femmes que chez les hommes, celles-là étant moins facilement admises que ceux-ci dans les corporations, la liberté du travail.

  1. Cf. Levasseur. Histoire des classes ouvrières.
  2. Arch. Départ., Indre-et-Loire, E. 469.
  3. D’après les évaluations d’Avenel.
  4. Arch. Départ., Indre-et-Loire, E. 441.