Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/248

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n’attire l’attention… Et le Conseil de ville doit relever la femme Buge de ses fonctions… Aussi, dès ce moment, il se produit contre les femmes qui exercent des métiers habituellement confiés aux hommes cette réaction moqueuse de l’esprit masculin qui, au xixe siècle, causera tant d’embarras au féminisme.

D’anciens édits royaux décidaient qu’il y aurait, dans chaque localité, un bourreau chargé d’exécuter les femmes condamnées aux verges, à la marque, au pilori et qui devaient être déshabillées hors de la présence d’hommes.

Au xviiie sièclee, cette coutume était presque partout tombée en désuétude. Elle se maintenait pourtant en Lorraine : à la fin du xviiie siècle, en effet, les villes de Lunéville et Saint-Avold appointaient encore des femmes comme maîtresses des hautes et basses-œuvres[1].

Quelques femmes semblent, dès cette époque, s’être senties attirées par l’exercice de la médecine. Bien entendu, il ne pouvait être question pour elles de suivre des cours dans les facultés, d’acquérir une instruction professionnelle, d’obtenir des grades et d’exercer officiellement. Mais elles pouvaient arriver, d’une façon officielle ou détournée, suivant les cas, à suivre leur vocation. Les chirurgiens, longtemps confondus avec les barbiers, formaient une corporation et les veuves des maîtres chirurgiens pouvaient, comme les veuves des autres maîtres, conserver sous certaines conditions le privilège de leur mari. Elles pouvaient avoir boutique, tenir garçons, travailler dans l’art de la chirurgie[2] et exploiter elles-mêmes le cabinet de leur mari, si elles ne préféraient pas céder leurs droits et privilèges, qui étaient bien leur propriété, à un homme de l’art. Il n’en était pas de même des médecins. Cependant, sans doute encouragées par l’exemple des femmes qui tenaient un cabinet de chirurgie, on voit des femmes se livrer à l’exercice de la médecine. Telle veuve de médecin agenais est condamnée au bannissement pour exercice illégal de la médecine. Telle autre pratique des saignées gur les malades au détriment des chirurgiens. Une autre encore vend des onguents contre les privilèges des apothicaires[3].

Sans doute ces cas sont assez rares. Néanmoins, ils montrent que bien souvent des femmes durent être tentées de franchir les barrières légales qui s’opposaient à ce qu’elles se livrassent à une

  1. Arch. Départ., Meurthe-et-Moselle, B. 201 (Marguerite Carré à Lunéville ; Jeanne Lacour à Saint-Avold).
  2. Arch. Départ., Charente, E. 1909, B. 212.
  3. Arch. Départ., Loiret, B. 1918.