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PARTENZA…

lets bleus et roses des billets de banque fripés, comptés et recomptés ; ils arrivent vers eux avec des battements d’ailes, posés sur le râteau d’ébène. Auprès de ces joueurs heureux, une vieille parcheminée, les yeux lamentables dans un maquillage impuissant qui souligne davantage encore le désastre déjà lointain de sa beauté. Elle joue ; pauvre vieille, avec sa robe de satin pâle mouillée de paillettes d’argent, son corsage qui laisse deviner par l’échancrure la ruine de sa chair, et, sur ses cheveux où la neige maculée se dispute avec les teintures odieuses, un chapeau à larges plumes blanches, larges et défaites comme des panaches de corbillard. Quelle pitié ! Si la chance tournait, et sous ses mains creusées et tremblantes ne laissait que du vide, elle partirait aussi ; et sur quel grabat irait-elle, irrémédiablement écroulée dans l’ironie de sa robe de satin argenté, mourir de faim et de misère ?

Des Anglais impassibles jouent et gagnent ; ils gagnent toujours ceux-là ! Des Allemands, figures épaisses et impénétrables, barbes rougeaudes, marche lourde, circulent autour des tables. Des femmes élégantes, horriblement défaites souvent, parfois jeunes et jolies comme cette belle fille toute vêtue de velours noir, robe et corsage d’une recherche simple et provocante ; une croix de diamants étincelante et d’une extraordinaire pureté de lignes, un bijou superbe, bijou sacrilège, fascine et détourne les regards sur l’insolente richesse de sa poitrine offerte dans les reflets tendres et caressants du velours, sous le poids éclatant du rare joyau. Et continuent les bruissements clairs de