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L’ENFANT D’AUSTERLITZ


I


Les canards des bassins furent les premiers ennemis véritables d’Omer Héricourt ; lorsqu’il commença de s’éveiller au monde, dans les bras d’une Picarde en bonnet noir, et à fichu de Madras. Certain jour, il étrennait une robe de nankin toute neuve, pour une promenade dans le jardin du Tribunat. Inquiète, sans doute, de le savoir triste, malgré les bruits de la foule, Céline demanda : « Ch’est-y que tu veux vir chès militaires min p’tiot, chès militaires qui sont comme papa ! Comme papa ! papa ! Il voyage fin loin, va, mon pauv’p’tiot, tin papa… avec l’impéreur Napolion… à c’t’heure… Marchons vir chès militaires, min fieu !… » puis l’avait porté jusqu’aux Tuileries, à travers les périls de la rue, les tumultes des cavaliers, les équipages aux cochers étincelant de chamarrures. Sans catastrophe, l’enfant et sa bonne atterrirent parmi les chaises des élégants tassées à l’ombre des marronniers. Le grand édifice en zinc fixé à l’échine du marchand de coco brillait, tout papillotant de drapeaux tricolores. L’homme agitait la sonnette. Le tablier blanc éblouissait depuis le menton jusqu’à la jambe de bois. Un joueur d’orgue étonna. Tant de musiques vivantes sortaient de sa boîte somptueuse à panneaux