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HISTOIRE

rer la libre et régulière action de tous les grands pouvoirs de l’État. » — Puis M. Dupin, rappelant la révolution de Juillet, l’ordre et la liberté fondés et maintenus par l’accord de la Chambre des députés avec le vœu public et avec la garde nationale, conclut en ces termes « Il faut que les masses comprennent qu’elles n’ont pas le droit de délibérer, de décider. Il faut que les gens qui ont eu recours aux armes comprennent qu’ils n’ont pas le droit de commander, qu’ils n’ont qu’à attendre l’exécution de la loi, écouter la voix des magistrats, attendre les délibérations des grands corps de l’État et les mesures qui seront jugées nécessaires par la couronne et par les Chambres. Dans cette situation, devons-nous introduire ici des délibérations irritantes, des délibérations d’accusation ? Je crois qu’il faut, au contraire, adhérer a la demande d’ajournement, que j’appuie de toutes mes forces. »

Ce discours ramène M. Guizot à la tribune. Avec un apparent sang-froid, il réfute les motifs allégués par M. Dupin pour l’ajournement, et prononce d’une voix ferme ces paroles, les dernières de sa carrière ministérielle : — « Le cabinet ne voit, pour son compte, aucune raison à ce qu’aucun des travaux de la Chambre soit interrompu, à ce qu’aucune des questions qui avaient été élevées dans la Chambre ne reçoive sa solution. La couronne exerce sa prérogative. La prérogative de la couronne doit être pleinement respectée. Mais tant que le cabinet reste aux affaires, tant qu’il est assis sur ces bancs, rien ne peut être interrompu dans les travaux et dans les délibérations des grands pouvoirs publics. Le cabinet est prêt à répondre à toutes les questions, à entrer dans tous les débats ; c’est à la Chambre à décider ce qui lui convient. » — Le président consulte la Chambre, qui maintient pour le lendemain son ordre du jour[1], Les députés, avides de nouvelles du dehors, se dispersent en toute hâte.

  1. La suite de la discussion sur la banque de Bordeaux.