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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

initiative légitime dans la commune entreprise de la nouvelle unité germanique. Toute la politique du roi de Prusse, dans ses rapports avec les souverains allemands aussi bien que dans ses rapports avec son peuple, aurait pu se définir en un seul mot : sincérité. Mais il ne paraît pas être dans la destinée des maisons royales de concourir volontairement à la formation des institutions démocratiques. Le sang parle en elles plus haut que la raison. Aux oreilles des rois les plus philosophes, le mot de liberté ne sonne pas beaucoup mieux que le mot de révolte. Frédéric-Guillaume devait bientôt mettre dans la plus triste évidence cette incapacité de race à comprendre et à aimer le progrès de la raison politique. La nouvelle de la révolution de Vienne troubla ses esprits au point qu’il ne vit dans la ruine d’une rivale redoutable qu’un sujet d’irritation. Au lieu de quitter résolument le rôle équivoque qu’il avait gardé pendant toute la session des états généraux, au lieu de saisir une occasion si belle de faire cesser une lutte contre l’esprit public, très-mal engagée et dans laquelle il n’avait pas eu l’avantage, Frédéric-Guillaume entra plus avant dans ses hypocrisies ; il rusa de la façon la plus odieuse avec un peuple loyal qui ne lui demandait que de grandir avec lui et par lui et de prendre, par une meilleure constitution politique, un rang supérieur dans la hiérarchie des puissances européennes. Les premiers bruits de la chute du cabinet conservateur et de l’abdication de Louis-Philippe avaient été accueillis sans déplaisir à la cour de Berlin ; mais dès qu’on y apprit la proclamation de la république et l’entrée d’un ouvrier dans les conseils du gouvernement provisoire, la satisfaction fit place à la colère. La Gazette d’État publia, le 1er mars, un article très-vif contre la révolution. Elle accusa d’ingratitude envers ses princes la population parisienne et fit ouvertement des vœux pour que la nation, restée fidèle à la royauté, trouvât un chef capable de la venger de ce qu’elle appelait une surprise de la force brutale. La Gazette ajoutait que, sans aucun doute, l’Allemagne, avertie à temps,