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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

gardes municipaux licenciés ; on glissait des hommes dévoués dans les ateliers nationaux et jusque dans les conférences du Luxembourg. Des femmes, animées d’un zèle ardent, allaient dans les faubourgs où elles prodiguaient, au nom de Louis Bonaparte, les aumônes et surtout les promesses.

L’approche des élections fit redoubler et concentrer les efforts encore épars ; on fonda des journaux à bas prix qui furent colportés non-seulement dans Paris, mais dans les campagnes les plus reculées ; les murailles se couvrirent d’affiches qui portaient le nom de Louis Bonaparte en caractères énormes ; on répandit par milliers des portraits, des médailles, des lithographies qui montraient l’Empereur présentant son neveu à la France ; on paya des joueurs d’orgues, des somnambules pour chanter et prédire le retour de Napoléon[1]. Il y eut dès harangueurs de carrefour qui le représentèrent comme une victime de Louis-Philippe et de la bourgeoisie.

M. Émile Thomas, qui entretenait par sa mère des relations suivies avec le parti bonapartiste[2], favorisa ouvertement dans les ateliers nationaux la candidature du prince et fit placarder une affiche qui proposait ensemble aux électeurs : Louis Bonaparte, Émile Thomas, Émile de Girardin.

Pendant qu’on agissait sur les classes pauvres par ces pratiques vulgaires, on ne négligeait pas d’intéresser par d’autres moyens au succès de Louis-Napoléon les partis hostiles à la République. M. de Persigny renouait avec M. de Falloux d’anciennes relations, on voyait M. de Gi-

  1. Le refrain de l’une de ces chansons donnera l’idée du caractère bizarre de cette propagande populaire :

    Napoléon, rentre dans ta patrie ;
    Napoléon, sois bon républicain.

  2. On sait que M. Émile Thomas fut un peu plus tard rédacteur en chef du journal napoléonien le Dix décembre, puis administrateur des biens du prince Louis Bonaparte dans la Sologne.