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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

dangereuse pour moi. J’ai donc pris la ferme résolution de me tenir à l’écart et de résister à toutes les séductions que peut avoir pour moi le séjour dans mon pays. Si la France avait besoin de moi, si mon rôle était tout tracé, si enfin je pouvais croire être utile à mon pays, je n’hésiterais pas à passer sur toutes les considérations secondaires pour remplir mon devoir ; mais, dans les circonstances actuelles, je ne puis être bon à rien, je ne serais tout au plus qu’un embarras ; j’attendrai donc encore quelques mois ici que les affaires prennent en France une tournure plus calme et plus dessinée. J’ignore si vous me blâmerez de cette résolution ; mais si vous saviez combien de propositions ridicules me parviennent même ici, vous comprendriez combien davantage à Paris je serais en butte à toutes sortes d’intrigues. Je ne veux me mêler de rien. Je désire voir la République se fortifier en sagesse et en droit, et en attendant l’exil volontaire m’est très-doux, parce que je sais qu’il est volontaire. »

La lecture de cette lettre ne produisit pas sur l’Assemblée toute l’impression qu’on aurait pu attendre. Ainsi que je l’ai fait voir, la droite était aveuglée par sa haine pour la commission exécutive. Elle traita, par la bouche de M. Fresneau, la conspiration bonapartiste de chimère ; elle déclara qu’il y avait en ce moment une émotion légitime du peuple, que le peuple protestait non pas contre le gouvernement, mais contre l’absence de gouvernement. Quelques hommes sincères parlèrent au nom du droit ; d’autres dirent qu’ils voulaient la République confiante et magnanime. M. Louis Blanc s’exprima dans ce sens ; il dit qu’il ne voyait dans l’élection de Louis Bonaparte aucun danger sérieux pour la République. « Voulez-vous, d’ailleurs, dit-il, un moyen bien simple d’empêcher Louis Bonaparte d’arriver à la présidence ? Écrivez dans votre constitution l’article que voici : Dans la République française fondée le 24 février, il n’y a pas de président. » Mais l’Assemblée aspirait à se protéger par un pouvoir fort ; elle voulait un