Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/8

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Je ne te donne, mon livre,
Un nom pour te faire vivre,
Je renvoie seulement
A ceulx là, mon cher ouvrage,
Qui, aux tretzr de ton visage,
Te congnoistront aisement.

Je ne metz pour ta deffence
La vaine & brave aparence,
Ny le secours mandié
Du nom d’un Prince propice
Qui monstre en ton frontispice
A qui tu es dédié.

Livre, celuy qui le donne
N’est esclave de personne :
Tu seras donc libre ainsi
Et dédié de ton pere
A ceux à qui tu veux plaire
Et qui te plairont aussi.

Si on trouve que ta face
N’ait les beaux traits & la grace,
Ny l'air de tes compagnons
Qui sentent le temps & l’aise,
La faveur, la feinte braize,
L’heur de leurs peres mignons,

Tu es du fons des orages,
Des guerres & des voiages
Avorté, avant les jours,
D’une ame plaine d’angoisse,
Né dessoubz neuf ans de presse
Ny de la patte de l'ours.