Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/80

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Au plus hault du midi, des eftoilles les feuz
Voiant que le soleil a perdu sa lumiere
Jectent sur mon trespas leurs pitoiables jeuz
Et de tristes aspectz soulagent ma misere :
L'hymne de mon trespas est chanté par les cieux.
Les anges ont senty mes chaudes passions,
Quictent des cieux aymés leur plaisir indissible,
Ils souffrent, affligez de mes afflictions,
Je les vois de mes yeux bien qu’il soient invisibles,
Je ne suis faciné de douces fictions.
Tout gemist, tout se plaint, & mon mal est si fort
Qu’il esmeut fleurs, costeaux, bois & roches estranges,
Tigres, lions & ours & les eaux & leur port,
Nymphes, les vens, les cieux, les astres & les anges.
Tu es loin de pitié & plus loin de ma mort,
Plus dure que les rocs, les costes & la mer,
Plus altiere que l’aer, que les cieux & les anges,
Plus cruelle que tout ce que je puis nommer,
Tigres, ours & lions, serpens, monstres estranges :
Tu vis en me tuant & je meurs pour aimer.


III.

Cessez noires fureurs, Œrynes inhumaines,
Esprits jamais lassez de nuire & de troubler,
Ingenieux serveaux, inventeurs de mes peines :
Si vous n’entreprenez rien que de m’acabler,
Nous avons bien tost fait, car ce que je machine
S’acorde à voz desseins & cherche ma ruine.
Les ordinaires fruitz d’un regne tirannique
Sont le meurtre, le sac & le bannissement,
La ruine des bons, le support de l’inique,
L’injustice, la force & le ravissement :