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L’ÉCLAIREUR.

— Mes frères sont-ils contents ? dit-il avec un accent guttural qui, bien qu’il s’exprimât en espagnol, le faisait reconnaître pour Indien, Addick — le Cerf — a-t-il tenu sa promesse ?

— Addick est un des premiers guerriers de sa tribu ; sa langue est droite et le sang coule clair dans ses veines, répondit un des deux hommes auxquels il s’adressait.

L’Indien sourit silencieusement sans répondre : ce sourire eût donné fort à penser à ceux qui l’accompagnaient, s’ils avaient pu le voir.

— Il me semble, observa celui qui n’avait pas encore parlé, qu’il est bien tard pour rentrer dans la ville.

— Demain, au lever du soleil, Addick conduira les deux Lis à Quiepaa-Tani, répondit l’Indien, la nuit est trop sombre.

— Le guerrier a raison, repartit le second interlocuteur, il faut remettre la partie à demain.

— Oui, retournons auprès de nos compagnes, qu’une trop longue absence pourrait inquiéter.

Joignant le geste à la parole, le premier interlocuteur se retourna et, suivant exactement le sillon que son corps avait tracé parmi les herbes, il se trouva bientôt, ainsi que ses compagnons qui avaient imité tous ses mouvements, sur la lisière de la forêt, dans laquelle, après leur départ, les deux personnages qu’ils avaient laissés en arrière étaient rentrés.

Au silence qui règne sous ces sombres voûtes de feuillage et de branches pendant le jour, avaient succédé les bruits sourds d’un sauvage concert, formé par les cris aigus des oiseaux de nuit qui s’éveillaient et se préparaient à fondre sur les loros, les colibris ou les cardinaux attardés loin de leurs nids, les rugissements des congouars, les miaulements hypocrites des jaguars et des panthères et les aboiements saccadés des coyotes, dont les échos se réper-