Page:Allais - À se tordre - histoires chatnoiresques.djvu/270

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— Tu es dur pour l’humanité, Laflemme.

— Pas encore assez ! C’est précisément l’humanité qui a perdu l’homme. Dire que cet idiot-là aurait pu être le plus heureux des animaux, s’il avait su se tenir tranquille ! Mais non, il a trouvé qu’il n’avait pas assez contre lui de la pluie du ciel, du tonnerre de Dieu, des maladies, et il a inventé la civilisation.

— Pourtant, Laflemme… interrompit le jeune duc Honneau de la Lunerie.

— Il n’y a pas de pourtant, duc Honneau ! véhémenta Laflemme. La civilisation, qu’est-ce que c’est, sinon la caserne, le bureau, l’usine, les apéritifs et les garçons de banque ?

… L’homme est si peu le roi de la Nature, qu’il est le seul de tous les animaux qui ne puisse rien faire sans payer. Les bêtes mangent à l’œil, boivent à l’œil… aiment à l’œil

— Je te ferai remarquer, Laflemme, que beaucoup d’humains ne se gênent pas pour pratiquer cette dernière opération le plus ophtalmiquement du monde. Il existe même certains quidams qui en tirent de petits bénéfices.