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C’est l’esprit, l’âme, le génie de Rabelais que le médecin poitevin a su exprimer dans sa belle épitaphe.

Rabelais laissait en mourant (nous l’avons vu) son Pantagruel incomplet. Neuf ans après sa mort, il parut un fragment du cinquième et dernier livre formant seize chapitres. Le livre en son entier fut mis au jour en 1564 sans indication de lieu ni de librairie.

On a nié que Rabelais en fût l’auteur. Plusieurs, frappés des tendances calvinistes qu’on trouve dans cet écrit, n’y peuvent reconnaître l’auteur que Calvin traitait d’athée et qui traitait Calvin de démoniaque. Mais le calvinisme du cinquième livre se borne à peu près à des attaques contre les moines et Rabelais a toujours raillé les pauvres encapuchonnés. Comme Lenormant, je crois reconnaître par endroits, dans ces pages, la griffe du lion.

Ce n’est pas à dire que nous soyons assurés de posséder intégralement le texte même de Rabelais. Il est probable que l’auteur n’avait pas donné la dernière main à son ouvrage. Il y avait des lacunes, des obscurités. L’éditeur a éclairci, complété, selon le besoin, et parfois peut-être sans besoin, pour améliorer et pour montrer son talent. Les éditeurs de ce temps-là n’entendaient pas leur devoir comme l’entendent ceux du nôtre. Ils ne se croyaient pas tenus à la fidélité et voulaient embellir l’ouvrage qu’ils donnaient.