Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/24

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nulle part en Occident. Sur la plus grande partie de la Russie européenne, on dirait que la croûte terrestre est demeurée à l’abri des commotions qui ont partout laissé tant de traces dans l’autre moitié de l’Europe. Les plus anciennes formations s’y retrouvent sans dislocation, sans altération apparente de l’eau ou du feu. Lentement émergées de la mer, ces terres en conservent l’aspect dans leurs immenses plaines légèrement ondulées. Devant elles l’imagination se reporte aisément à la période relativement récente où, à travers cette dépression, la mer Baltique s’unissait à la mer Noire et peut-être la Caspienne à l’océan Arctique, isolant l’Europe de l’Asie ; l’œil se figure sans peine l’époque glaciaire, alors que les icebergs flottants emportaient dans le cœur de la Russie, jusqu’à Voronège, sur le Don, les blocs de granit de Finlande, dont tout le centre de l’empire est encore jonché[1].

La structure géologique, le climat, la conformation du sol, distinguent également la Russie de l’Europe ; bien d’autres caractères propres à la nature européenne lui font en même temps défaut, un en particulier d’une grande importance, le degré d’humidité. La configuration même de la Russie, l’éloignement des mers et le manque de montagnes la privent, en grande partie, de l’humidité que l’Atlantique nous apporte, que les Alpes nous conservent. Les vents de l’Océan ne lui parviennent que privés de presque toute leur vapeur d’eau ; les vents de l’Asie ont perdu la leur longtemps avant d’arriver jusqu’à elle. De l’ouest à l’est de la terre russe, l’humidité va constamment en décroissant pour se réduire au minimum dans le centre de l’Asie. Plus le continent s’élargit, plus il devient pauvre en pluie. À Kazan, il pleut déjà deux fois moins qu’à

  1. Murchison, Verneuil et Keyserling, Geology of Russia and the Ural mountains. D’après les dernières recherches des géologues russes, les blocs charriés par les glaces ou par les glaciers ne descendraient pas tout à fait aussi loin ; ils s’arrêteraient, au sud, vers Toula et Riazane, là où commence la zone de la Terre-Noire, dont ils marqueraient la limite septentrionale.