Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/89

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que les prétentions des Bulgares étaient contraires aux canons de l’Église. Suivant les Grecs, les circonscriptions ecclésiastiques devaient rester calquées sur les circonscriptions politiques : il ne saurait, dans le même État, y avoir qu’une seule Église orthodoxe. La prétention des Bulgares de former, à côté des Grecs, une Église autonome dans le sein de l’empire ottoman, fut solennellement condamnée, comme une hérésie, sous le nom de phylétisme[1].

Les anathèmes de la « grande Église » de Constantinople n’ont pas empêché la Porte, alors mécontente des Grecs, d’ériger par un firman les communautés bulgares en Église autonome, sous le nom d’exarchat. Peu d’années après, la Bulgarie était constituée en principauté. L’autorité de l’exarque bulgare se fût bornée au nouvel État ou à l’éphémère Roumélie orientale, bientôt annexée à la Bulgarie, que le patriarcat œcuménique eût, d’après ses propres principes, été contraint de le reconnaître. Mais, en vertu des firmans du sultan, la juridiction de l’exarque s’étend, au delà des frontières bulgares, sur des diocèses de Thrace et de Macédoine, politiquement soumis à la Porte et que l’hellénisme ne renonce point à disputer au slavisme. Aussi le schisme bulgaro-grec a-t-il persisté, sans que l’Église russe ait osé se prononcer pour l’une ou l’autre des deux parties, de peur de s’aliéner les frères slaves ou de scandaliser les fidèles en rompant avec l’Église mère.

La proclamation de l’indépendance ecclésiastique des Serbes, des Roumains, des Grecs du royaume, avait soulevé des difficultés analogues[2]. Tant que les limites

  1. De phulè tribu, race, nation. Malgré cette condananation, le phylétisme ou nationalisme n’en a pas moins triomphé chez les sujets orthodoxes de l’Autriche-Hongrie aussi bien qu’en Turquie. Les Roumains de Hongrie ont obtenu l’érection d’une Église roumaine autocéphale, sous un métropolitain résidant à Hermannstadt, tandis que les Serbes du même royaume continuaient à relever du patriarche de Carlowitz. Pour les orthodoxes de la Bosnie et de l’Herzégovine, le gouvernement de Vienne a conclu un concordat avec le patriarche de Constantinople.
  2. C’est seulement en 1885 que le patriarche œcuménique et son synode ont reconnu l’Église roumaine comme entièrement indépendante et placée sur le