Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/31

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suite avec mélancolie à sa position qui l’obligeait à expédier des passeports pour ceux qui partaient, pendant que lui-même demeurait cloué à ses occupations prosaïques. Enfin, pour faire diversion à ses pensées, il chercha dans sa poche un document qu’il lui était nécessaire de parcourir. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il lut sur le papier : Madame Sigbrith, tragédie intime en cinq actes !

— Qu’est-ce que cela ? s’écria-t-il… L’écriture est de ma main. Aurais-je fait une tragédie sans le savoir ?

Il lut encore ceci : Une passion à la promenade, drame-vaudeville en trois actes.

— Mais d’où diable me vient tout cela ? Il faut que quelqu’un ait pris ma poche pour la sienne. Voici encore une lettre : elle est du directeur du théâtre… Il refuse les pièces. Ah ! il les refuse !…

Il s’assit sur un banc et s’abandonna à de profondes méditations, sans parvenir, comme on le pense bien, à éclaircir le mystère qui l’intriguait.

Au bout de quelque temps, il releva brusquement la tête et se remit à marcher à grands pas.

— Je suis dans une exaltation inconcevable, se disait-il. Je crois dormir et rêver. Et en effet tout cela ne peut être qu’un songe ; demain, quand je me réveillerai, j’en sentirai encore mieux l’absurdité.

Il s’arrêta sous les arbres et se mit à regarder mélancoliquement les oiseaux joyeux qui chantaient en sautillant de branche en branche.

— Hélas ! soupira-t-il, ces petites créatures sont bien plus heureuses que moi ; si je pouvais former un vœu