Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

- 240 —

rêva plus d'une fois sans cloute de trouver une amitié comme celle qu'il décrit et qu'il n'est pas son « lot » de rencontrer.

Un peu plus loin se trouve un autre passage plus instructif parce qu'il est peut-être encore plus sincère. Il donne l'idée des froissements, des blessures, des irritations, des outrages, des colères sourdes, qui devaient constamment s'agiter dans son trop susceptible orgueil. Encore, le fait qui s'y trouve rapporté se passait-il chez le comte de Glencairn, c'est-à-dire chez le plus délicat et, en même temps, le plus vénéré de ses protecteurs. Que devait-ce être parfois, chez d'autres doués de moins de tact et inspi- rant moins de respect ? Il y a là comme la rancune de mille affronts imaginaires, dévorés silencieusement, le frémissement de révoltes cons- tantes, un germe de haine contre les distinctions sociales.

« Peu des tristes maux qui existent sous le ciel me donnent plus d'impatience et de cliagrin que la comparaison de la façon dont est reçu un homme de talent, bien plus, d'un mérite reconnu partout, avec la réception qui attend un simple individu ordinaire , décoré des harnachements et des distinctions futiles de la Fortune. Imaginez un homme de talent, dont le cœur brille d"un honnête orgueil, qui a la conscience que tons les homnies sont nés égaux et qui, cependant, rend « honneur à qui honneur est dij. » 11 rencontre, à la table d'un grand, un Squire Quelque chose, ou un Sir Quelqu'un. Il sait que, au fond du cœur, le noble hôte lui accorde à lui, barde, ou quoi qu'il soit, une plus large part de ses bons souhaits que peut-être à aucune autre personne de la table. Cependant, combien sera-t-il mortifié de voir un individu, dont les capacités auraient à peine fait un tailleur de quatre sous, et dont le cœur ne vaut pas trois liards, obtenir raltention et l'intérêt qu'on oublie envers le fils du Génie et de la Pauvreté.

En cela, le noble Glencairn m'a blessé jusqu'à l'âme, parce que je l'estime, le respecte, et l'aime chèrement. Il montra un jour tant d'attention, une si exclusive attention au seul imbécile de la société, puisqu'il n'y avait que sa seigneurie, le sot et moi, que je fus à deux doigts de jeter mon gage de mépris et de défi. Mais il me serra la main et eut l'air si bienveillant, quand nous nous quittâmes; Dieu le bénisse ! Quand bien même je ne devrais jamais le revoir, je l'aimerais jusqu'au jour de ma mort I Je suis satisfait de me sentir capable des tressaillements de la reconnaissance, car je manque misérablement de quelques autres vertus'. »

Plus loin encore, il y a, sur le D"^ Blair, un passage oii se montre bien, avec la même susceptibilité qui éclate dans le passage précédent, l'indé- pendance avec laquelle il jugeait les plus illustres de ses patrons et le sentiment de l'égalité qui devait exister entre eux et lui :

Avec le D Blair, je suis plus ;i l'aise. Il ne m'arrive jamais de le respecter avec une humble vénération. Mais quand il s'intéresse bienveillamnient à moi, ou mieux encore, quand il descend de son pinacle pour me rencontrer sur le terrain de l'égalité, mon cœur déborde de ce qu'on appelle affection. Quand il me néglige pour la simple carcasse de la grandeur ou quand son œil mesure la différence de nos points d'éléva- ion, je me dis, sans presque aucune émotion : « Que m'importent lui et sa pompe ? i »

1 Edinburgh Journal.