Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

- 170 -

chasses, il accomplit des exploits qui tiennent de la légende. D'ailleurs, toujours de belle humeur, plein de plaisanteries dans le péril, courtois envers les femmes, et, dans les cavernes sauvages, distrayant ses compa- gnons par des récits de romans chevaleresques. Enfin le succès cède à cette indomptable énergie. C'est le siège de Stirling. C'est la bataille de Bannockburn, dont le nom fait encore tressaillir les cœurs écossais. Le pays est délivré, la guerre transportée chez l'ennemi. C'est une existence de grand roi qui se termine dans la gloire. Quel contraste avec le sort de Wallace dont Bruce est pourtant le continuateur ! Et quels épisodes à grouper autour de cette histoire ! D'admirables héroïsmes de femmes : c'était l'office du clan Macduff de placer la couronne sur la tête du roi ; le chef de la maison ne put venir au sacre de Bruce ; sa sœur, qui avait épousé le comte de Buchan, un des partisans du roi Edouard , part à cheval, traverse le pays et arrive à temps pour accomplir ce rite mystique. Edouard l'ayant saisie fit construire une cage qui fut suspendue à une des tours de Berwick, et y fit enfermer la vaillante femme, de façon à ce que les passants pussent la voir. Plus tard, c'est la femme de Bruce qui le suit dans sa vie d'outlaw et en partage tous les périls. Et quelle figure grandiose que celle du roi Edouard, le vieux et terrible conqué- rant ! Il fait jurer à son fils que, s'il meurt, son corps continuera à accompagner l'armée et ne sera pas enseveli avant la soumission de l'Ecosse. Il meurt, en effet, au moment d'y pénétrer ; il ordonne que la chair soit détachée de ses os, et que son squelette soit porté en tête de l'armée, comme un étendard. Les siens n'osèrent pas exécuter ce dernier vœu ^ Mais cette farouche puissance de haine est presque sublime. On comprend que ce sujet ait attiré Burns, et la preuve existe qu'il y avait particulièrement songé. « Nous nous mîmes à causer, écrivait Bamsay d'Ochtertyre, et nous fûmes bientôt lancés sur la mare magnum de la poésie. Il me dit qu'il avait trouvé une histoire pour un drame qu'il appellerait V alêne de Rab MacquecJian^ et qui était emprunté à une histoire populaire de Robert Bruce. Ayant été défait près du lac de Caern , et sentant que le talon de sa botte s'était détaché dans sa fuite, il demanda à Robert Macquechan de le fixer. Celui-ci, pour être plus sûr, enfonça son alêne de neuf pouces dans le talon du roi^». C'était évidemment une aventure empruntée à la vie pourchassée de Bobert Bruce qui aurait fait le fond de ce drame. Quant à Marie Stuart, quelle plus touchante légende de beauté , d'aventures , d'infortunes et de fautes peut-on ren- contrer? Elle semble faite à souhait pour éveiller toutes les émotions et, depuis tant d'années, elle n'a lassé l'intérêr ni du roman, ni du

1 Son fils Edouard II le fil ensevelir à Westminster et fit écrire sur sa tombe : « Edwardus longus Scotorom Malleus hic est ». ("Walter Scolt, Talcs of a Grand Falher, chap. ix).

2 Extrait d'une lettre de Ramsay of Ochtertyre au D Gurrie.