Page:Annales de Géographie, tome 5, oct 1895-oct 1896 -1896.djvu/434

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j’ai pu néanmoins, grâce aux avantages que donnait un vapeur consacré à ces recherches, éclaircir un certain nombre de points de la question.

Après avoir passé trois semaines aux Andaman pour y prendre connaissance du type négrito, je me transportai aux îles Mergui qui sont situées également dans le golfe du Bengale, sous la même latitude le long de la côte de la basse Birmanie. Ainsi que me l’écrivait M. Hamy en août 1892, dans une lettre où il avait l’amabilité de me donner pour mon voyage des conseils qui me furent fort précieux, la population de cet archipel nous était à peu près totalement inconnue. Il s’agissait de savoir si c’étaient des Malais plus ou moins semblables à ceux des Nicobar, ou des Négritos comme ceux des Andaman ; le voyageur italien Beccari, dans une lettre adressée à Giglioli et publiée par celui-ci, disait avoir trouvé des Négritos. De Quatrefages acceptait ce témoignage, non sans quelque réserve il est vrai.

La Sémiramis me fut tout particulièrement utile pour entrer en contact avec ces populations. En effet, les habitants des îles Mergui que l’on nomme les Sélouns n’ont point de demeure fixe, ce sont des pêcheurs qui vivent sur leurs barques errant d’île en île et campant seulement sur les rivages pendant la mousson de sud-ouest, qui rend la mer intenable. Ils s’enfuient quand ils voient apparaître un navire. J’eus la chance de voir au port de Mergui deux familles qui étaient venues là faire quelques échanges avec un commerçant chinois. Ensuite, la Sémiramis réussit à bloquer une tribu entière, dans une petite baie de la rade de Saint-Mathieu, qui est située tout au sud de l’Archipel.

Les observations prises sur ces divers sujets mènent à la conclusion suivante : la race est mélangée, elle comprend au moins deux éléments, un élément de haute taille, dolichocéphale, blanc, et un élément de plus petite taille, mongolique. Le type malais est dominant, la langue et l’ethnographie rattachent également cette population à la Malaisie ; quelques indices laissent à peine soupçonner une légère immixtion de sang noir[1].

Dans le milieu d’avril 1893, la Sémiramis arrivait à Poulo-Pinang.

L’étude de la Péninsule Malaise se présente comme un des points importants de la mission.

Nous avons vu que l’existence de petits nègres dans cette région, intermédiaire entre les Andaman et les Philippines, avait servi à Crawfurd pour établir le groupe Négrito à part du groupe Papou ; si l’on a pu ensuite vérifier la différenciation anthropologique entre les deux races pour ce qui concerne les Andaman et les Philippines, cette vérification manquait totalement pour la Péninsule. Logan, qui, dans les premières années de son Journal of Indian Archipelago (1847 et suivantes), a publié toute une série de descriptions très fouillées des

  1. Ces conclusions s’accordent avec l’opinion exprimée par Anderson. J. Anderson, The Selungs of the Mergui archipelago, London, Trübner and Co., 1890.