Page:Annales de Géographie, tome 5, oct 1895-oct 1896 -1896.djvu/435

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

diverses tribus d’aborigènes habitant le sud de la Péninsule, nous montre même dans ces tribus tout autre chose que du nègre. On ne relève dans ces consciencieuses études qu’une seule mention se rapportant à notre sujet. Logan cite l’observation faite par Anderson, secrétaire du gouvernement de Pinang, d’un Séman provenant du Kédah ; cette observation est la reproduction exacte de celles de Crawfurd, elle ne nous donne donc rien de plus comme précision.

Les voyageurs qui viennent ensuite ne nous montrent guère de population noire, bien qu’ils appliquent souvent sans discussion l’appellation de Négrito à des tribus pareilles à celles que nous décrit Logan. Çà et là seulement, dans les descriptions ou dans les photographies, apparaissent quelques individus à teint plus ou moins brun, à chevelure plus ou moins crépue, au milieu d’autres qui rappellent bien plus les Malais. Aussi de Quatrefages admet-il que tous ces aborigènes sont seulement des métis de Négritos. En réalité, tout ce qu’on pouvait tirer des documents, c’était la présence dans la Péninsule d’un élément noir, mais l’identification de cet élément noir avec le Négrito manquait de preuves objectives.

Il y a plus, Miklukho-Maklay[1] affirme que cet élément noir doit être rapporté au Papou ; cette simple affirmation serait déjà d’un certain poids dans la bouche d’un homme qui vient de passer des années à la Nouvelle-Guinée. Miklukho-Maklay l’appuie d’arguments scientifiques des plus sérieux. Après avoir visité et mesuré diverses tribus d’aborigènes, il établit le raisonnement suivant : les Négritos sont sous-brachycéphales, les Malais sont brachycéphales, un métissage entre ces deux éléments ne peut donner que des brachycéphales. Or, l’indice céphalique, brachycéphale pour les tribus du sud de la Péninsule, s’approche de la dolichocéphalie à mesure qu’on avance vers le nord, c’est-à-dire à mesure que les aborigènes sont moins pénétrés de l’élément malais ; donc, l’élément primitif était dolichocéphale, et cet élément dolichocéphale noir ne peut être que du Papou et non du Négrito. Nous sommes ici au cœur du domaine hypothétique des Négritos, entre les deux seules stations incontestées, les Philippines à l’est, les Andaman à l’ouest. Malgré la grande ressemblance des Négritos philippins et des Andamanais, on peut se demander s’il ne faut pas les considérer simplement comme deux groupes aberrants et revenir, avec ces deux exceptions singulières, à l’ancienne conception du Nègre unique, dolichocéphale, ou tout au moins du Papou comme seul nègre asiatique et océanien. Miklukho-Maklay n’hésitait pas devant cette conclusion, les Négritos des Philip-

  1. Ethnologische Excursionen in der Malayischen Halbinsel (en allemand) ; (Natuurkund. Tijdschrift de Batavia, 1875. — Voir aussi plusieurs notes dans Proc. Royal. Asiatic. Soc., Straits branch, Singapoor, t. I, 1878)