Page:Annales de Géographie, tome 5, oct 1895-oct 1896 -1896.djvu/451

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elle tous les caractères de l’ethnographie indonésienne : les Sakaïes du Batang-Padang et du Klang font en pleine forêt des abattis, et plantent quelques légumes entre les arbres tombés après avoir détruit les branchages par le feu ; au milieu de cette clairière cultivée (ladang), ils construisent des cases assez grandes, carrées, élevées sur pilotis, avec un toit de chaume à double pente. Cette description rappellent certainement au lecteur les raïs que les Moïs et les autres tribus primitives établissent dans les montagnes de la Cochinchine et de l’Annam. C’est également la plantation et la maison des Daïaks et des Battaks. L’ethnographie concorde donc d’une façon parfaite avec les données anthropologiques.

Les termes de Sakaïes et de Sémangs par lesquels les Malais désignent les aborigènes n’ont aucune signification ethnique. On retrouve ces termes dans toutes les discussions antérieures, et ils ne font que les embrouiller. Pour beaucoup d’auteurs, le terme de Sakaïes s’applique aux tribus métisses qui font des défrichements, celui de Sémangs aux tribus noires plus sauvages. C’est l’opinion actuellement en vogue chez les fonctionnaires anglais qui s’intéressent à ces questions. On a même cherché à tracer la limite géographique entre les Sémangs et les Sakaïes, sans que d’ailleurs on ait pu s’entendre sur ce point ; pour les uns, c’est le cours du Pérak qui fait la frontière, pour d’autres, c’est la rivière Pleuss. En réalité dans le Pérak et dans le Sélangor, les Malais appellent Sakaïes tous les aborigènes ; dans le Kédah, ils les appellent Sémangs ; et comme c’est du côté du Kédah que se trouvent les tribus noires, on a pu croire à une distinction que ces termes ne représentent pas. Je ne connais pas leur signification exacte (on dit que Sakaïes veut dire esclaves), mais ils ne comportent pas un diagnostic de race, dont les Malais s’inquiètent fort peu. Ils ne précisent rien de plus là-dessus que les appellations courantes de Orang-darat, hommes de l’intérieur : Orang-outan, hommes des forêts ; Orang-boukit, hommes des montagnes ; Orang-oulou, hommes des hautes vallées ; Orang-binoua, hommes du sol, autochtones. Je puis affirmer que le Panghoulou (chef de village) de Sélamak désignait du nom de Sakaïes, la tribu noire, sans défrichements ni maisons, qui vit à quelques lieues plus haut que son village. C’est sous ce nom que les connaissait M. Aylesbury. Et ce nom de Sakaïes s’applique également aux indigènes du haut Batang-Padang, qui sont blancs et à ceux du Klang, qui sont jaunes. Les Négritos que j’ai vus dans le Gounong-Inas m’ont dit se nommer eux-mêmes Ménik. Bien que ce puisse être, que ce soit probablement le nom d’une seule tribu, et non d’un ensemble ethnique qui vraisemblablement n’a pas de dénomination collective, il vaudrait peut-être mieux, pour désigner les Négritos de la Péninsule, employer ce nom qui est au moins celui de la seule tribu franchement négrito étudiée jusqu’à présent.