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Mme de Charrière n’ait pas noté tout ce qu’il lui racontait ! Du moins avons-nous les petits ouvrages qu’elle a consacrés à Rousseau et qu’il est temps de feuilleter.

Sa générosité naturelle s’indignait contre ceux qui, tout en exaltant Rousseau, en prenaient occasion pour malmener sa pauvre Thérèse. Ainsi venaient de faire Mme de Staël et le comte de Barruel.

Dans la sixième de ses Lettres sur les ouvrages et le caractère de J. J. Rousseau, Mme de Staël se montre bien dure pour la veuve du grand écrivain : « L’indigne femme qui passait sa vie avec lui avait appris assez à le connaître pour savoir le rendre malheureux… » Et, admettant le suicide de Rousseau, elle l’explique par la trahison de Thérèse : « Qui put inspirer à Rousseau un dessein si funeste ? C’est la certitude d’avoir été trompé par la femme qui avait seule conservé sa confiance… » Puis, en note : « Peu de jours avant ce triste jour, il s’était aperçu des viles inclinations de sa femme pour un homme de l’état le plus bas. »

Quant à Barruel, il avait inséré dans sa Vie de J. J. Rousseau[1] une lettre où DuPeyrou lui expliquait la part qu’il avait prise à la publication de l’édition de 1782 : « Je n’ai, disait-il, concouru qu’en tierce part à la collection des ouvrages de Rousseau, imprimée à Genève, au profit de sa veuve. » — « Superbe emploi ! se récrie le comte de Barruel, s’il n’a pas été motivé par les dernières intentions du philosophe !… Est-ce qu’on est obligé de fournir de la pâture aux couleuvres ? Non, mais les laisser vivre est une cruauté ! »

On juge si ce ton mélodramatique dut agacer une

  1. La Vie de J. J. Rousseau, précédée de quelques lettres relatives au même sujet, par le Cte de Barruel-Beauvert, Londres, 1789, p. 132.