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No. VII.

CONTE
Les Baigneuſes ſurpriſes Anec. Languedne.


Les bonnes fortunes vienne souvent au moment qu’on y songe le moins, un jeune homme en Languedoc dans la saison des Bains, avoit l’habitude d’en prendre tous les jours avec un de ses amis a un ruisseau ou depuis un mois il n’avoit jamais vu personne quoique le lieu fut infiniment agréable, un jour qu’ils etoient allés un peu plus tard qu’a l’ordinaire en traversant un petit Bois qui y etoit adossé ils entendirent du bruit comme si quelqu’un avoit pris leurs places ce que voyant ils prirent le parti de se promener en attendant qu’on s’en aille, chemin faisant il leur vint en fantaisie d’examiner aux moins qui sont ceux qui les ont devances, et pour ce ils se coulent dans les broussailles, il se savent bientot gré de leurs curiosité en appercevant sur l’autre rive, deux jolies brunes dont l’une etoit deja entierement nue et l’autre l’etoit presque, puisqu’il ne lui restoit plus que sa chemise qu’elle eut bientôt quitté a l’exemple de l’autre elles ne furent pas entierement dans le ruisseau, que nos deux observateurs inpatients de profiter d’une si belle occasion se deshabillent le plus doucement qu’ils peuvent, et ayant attendu que les deux Dames furent un peu éloignées descendent doucement dans la riviere la traversent et s’emparents des corcets, d’hesabillés, jupons et chemises, vont les cacher plus loin et apres se cachent. eux memes derriere de vieux troncs de saules et ne se montrent que lorsque les Baigneuses se raprochant arrivent justement ou ils sont, quelle fut la surprise, et l’effroi des dernieres qui courent d’abord a leurs habit et ne les trouvant pas ce mettent en grande colere et accablant les deux importuns d’injures eux alors de courir après elles de les attraper et les apprivoiser au point qu’ils passerent toute la matinée avec elles non seulement dans le bain ou ils badinerent et folatrerent Dieu sait la joie, mais encore apres en être sorti, les Dames auqu’elles a leurs grand contentement ils avoient servis de valets de chambre les inviterent a partager sur l’herbe un dejeuner frugal quelles avoient apportées alors recommencerent les folies on joue on se culbute on se fouette, encore ne dis-je pas tout.