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No. XII.

CONTE
Lettre d’une Pariſienne a une de ſes
amies en Campagne

Je n’ai appris que d’hier ma chere amie a apprecier dans les hommes une qualité dont je ne connoisois point encor la valeur, celle de n’avoir point d’Esprit tu crois que je plaisante, voici mon aventure tu connois bien le grand imbecille que dans notre societé nous appellions le grand Cousin par ce qu’il ne scait pas dire deux tu ne te douterois jamais de ce qu’il a fait. Comme je le regarde a peu près sans consequence, je ne faisoit aucune difficulté de m’abiller et me deshabiller devant lui. Un jour que je m’abillois toute seule en sa presence pour faire quelque visites, car on revient a force de la Campagne, ne voila t’il pas qu’il approche de moi avec les deux poingts a la hauteur de sa Culotte, je veux lui oter en badinant, et il me reste entre les mains la plus monstreuse allumette qu’on puisse s’imaginer, je t’avoue que quoique je voulusse me facher bien fort je ne put m’empecher de partir d’un grand éclat de rire, pour lui il ne disoit rien mais il bandoit toujours, ma foi que veux tu j’ai pris l’occasion au cheveux, et je m’en trouve bien, c’est de ces gens qui courent quatre Postes sans débrider et neuf dans la Journée, pour surcroit de bonheur il ne parle pas, je t’assure qu’il n’y a ni Esprit ni amabilite qui vaille cela et pour le mal que je te veux, je te souhaiterois une pareille trouvaille, adieu.

Fin