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de Robinson Crusoé.

la longueur d’un quart d’aune ; mais comme j’avois des ciseaux & des rasoirs, je me la coupois ordinairement d’assez près, hors celle qui me croissoit sur la lèvre inférieure. Je m’étois fait un plaisir d’en faire une moustache à la mahométane, & telle que la portoient les turcs que j’avois vus à Salé : car les maures n’en portent point. Je ne dirai pas ici que mes moustaches étoient si longues que j’y aurois pu prendre mon chapeau : mais j’ose bien dire qu’elles étoient d’une longueur & d’une conformation si monstrueuse, qu’en Angleterre elles auroient paru effroyables.

Mais ceci soit dit en passant. Je reviens au récit de mon voyage : j’y employai cinq ou six jours, marchant d’abord le long des côtes, droit vers le lieu où j’avois mis autrefois mon canot à l’ancre. De-là je découvris bien aisément la colline où j’avois fait mes observations. J’y montai, & quel fut mon étonnement, de voir la mer calme & tranquille ! Point de mouvement impétueux, point de courant, non plus que dans ma petite baie.

Je donnai la torture à mon esprit, afin de pénétrer les raisons de ce changement. Je me résolus à observer la mer pendant quelques tems ; car je conjecturois que le furieux courant dont j’ai parlé, n’avoit d’autre cause que le reflux de la marée. Je ne fus pas long-tems sans être au fait de cette