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Alors, sans une parole, ils ensevelirent le pauvre corps et le portèrent tout raidi dans son cercueil. Un flot de sciure de bois, histoire de boucher les trous, paracheva la cérémonie. Le long couvercle de sapin vissé, il ne s’agissait plus que de faire descendre au fardeau les six étages gluants de la maison.


II


Les croque-morts crachèrent dans leurs mains et soulevèrent la bière. Mâtin ! elle était lourde. Quand tous eurent trouvé une position satisfaisante pour qu’aucun effort ne fût perdu, ils avancèrent de quelques pas. Tonnerre ! voici que l’angle formé par la porte et le mur du couloir manquait de tournant, à cette heure ! Le cercueil fut dressé, la tête de la morte en bas, puis descendu en hauteur dans l’étroit corridor. Et pendant qu’on se remettait en marche, après de nouvelles difficultés pénibles, la concierge courut frapper à une porte, au fond du même corridor.

— Monsieur Richard.

— Quoi ? répondit celui-ci.

— C’est prêt.

— Bon, j’arrive.

La descente du cercueil s’opérait mal. À chaque instant, un choc terrible de catapulte ébranlait la rampe de l’escalier, gémissait dans la cage sonore. Plusieurs éraflures d’un blanc frais entamaient déjà la crasse des murailles. Aux étages inférieurs, des portes s’ouvraient et des gens se demandaient :

— Mais qu’est-ce qu’il y a donc ?

C’est alors que la concierge, tremblante pour l’immeuble confié à sa garde, se mit dans la caboche d’intervenir. Sa voix, naguère si flûtée, avait changé de diapason.

— Prenez garde à mon mur, beuglait-elle. Courage !… méfiez-vous, là, aux communs… Il en faudrait un, juste où il n’y a personne… Penchez-vous à gauche, à cause