Page:Apollinaire - L’Enchanteur pourrissant, 1909.djvu/17

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Bandeaux, lettrines et illustrations de L’enchanteur pourrissant.
Bandeaux, lettrines et illustrations de L’enchanteur pourrissant.




Bandeaux, lettrines et illustrations de L’enchanteur pourrissant.
Bandeaux, lettrines et illustrations de L’enchanteur pourrissant.


Ue deviendra mon cœur parmi ceux qui s’entr’aiment ? Il y eut jadis une demoiselle de grande beauté, fille d’un pauvre vavasseur. La demoiselle était en âge de se marier, mais elle disait à son père et à sa mère qu’ils ne la mariassent pas et qu’elle était décidée à ne jamais voir d’homme, car son cœur ne le pourrait souffrir ni endurer. Le père et la mère essayèrent de la faire revenir sur sa décision, mais ils ne le purent en aucune manière. Elle leur dit que, si on la forçait à voir un homme, elle en mourrait aussitôt ou irait hors de son sens ; et sa mère lui ayant demandé privément, comme mère, si elle voulait toujours d’homme s’abstenir, elle répondit que non et que même, si elle pouvait avoir compagnie d’un homme qu’elle ne vît point, elle l’aimerait extrêmement. Le vavasseur et sa femme, qui n’avaient pas d’autre enfant qu’elle, et qui l’aimaient comme on doit aimer son seul enfant, ne voulurent pas risquer de la perdre. Ils souffrirent et attendirent, espérant qu’elle changerait d’avis. Au bout de quelque temps, le père mourut et,