Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


FOURIER PRÉFET DE L’ISÈRE


À peine de retour en Europe, Fourier fut nommé (le 2 janvier 1802) préfet du département de l’Isère. L’ancien Dauphiné était alors en proie à des dissensions politiques ardentes. Les républicains, les partisans de l’émigration, ceux qui s’étaient rangés sous les bannières du gouvernement consulaire, formaient autant de castes distinctes entre lesquelles tout rapprochement semblait impossible. Eh bien, Messieurs, l’impossible, Fourier l’opéra. Son premier soin fut de faire considérer l’hôtel de la préfecture comme un terrain neutre, où chacun pouvait se montrer sans même l’apparence d’une concession. La seule curiosité, d’abord, y amena la foule ; mais la foule revint, car, en France, elle déserte rarement les salons où l’on trouve un hôte poli, bienveillant, spirituel sans fatuité et savant sans pédanterie. Ce qu’on avait divulgué des opinions de notre confrère sur l’antibiblique ancienneté des monuments égyptiens inspirait surtout de vives appréhensions au parti religieux ; on lui apprit adroitement que le nouveau préfet comptait un saint dans sa famille ; que le bienheureux Pierre Fourier, instituteur des religieuses de la congrégation de Notre-Dame, était son grand-oncle, et cette circonstance opéra un rapprochement que l’inébranlable respect du premier magistrat de Grenoble pour toutes les opinions consciencieuses cimenta chaque jour davantage.

Dès qu’il fut assuré d’une trêve avec les partis politiques et religieux, Fourier put se livrer sans réserve aux