Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/340

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faire l’expérience. Sa demande à l’effet de subir l’examen de l’artillerie, quoique vivement appuyée par notre illustre confrère Legendre, fut repoussée avec un cynisme d’expressions dont vous allez être juges vous-mêmes : « Fourier, répondit le ministre, n’étant pas noble, ne pourrait entrer dans l’artillerie, quand il serait un second Newton ! »

Il y a, Messieurs, dans l’exécution judaïque des règlements, même lorsqu’ils sont les plus absurdes, quelque chose de respectable que je me plais à reconnaître. En cette circonstance, rien ne pouvait affaiblir l’odieux des paroles ministérielles. Il n’est point vrai, en effet, qu’on n’entrât anciennement dans l’artillerie qu’avec des titres de noblesse : une certaine fortune suppléait souvent à des parchemins. Ainsi ce n’était pas seulement un je ne sais quoi d’indéfinissable que, par parenthèse, nos ancêtres les Francs n’avaient pas encore inventé, qui manquait au jeune Fourier, c’était une rente de quelques centaines de livres, dont les hommes placés alors à la tête du pays auraient refusé de voir l’équivalent dans le génie d’un second Newton ! Conservons ces souvenirs, Messieurs : ils jalonnent admirablement l’immense carrière que la France a parcourue depuis quarante années. Nos neveux y verront d’ailleurs, non l’excuse, mais l’explication de quelques-uns des sanglants désordres qui souillèrent notre première révolution.

Fourier n’ayant pu ceindre l’épée, prit l’habit de bénédictin, et se rendit à l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loir, où il devait faire son noviciat. Il n’avait pas encore prononcé de vœux, lorsque, en 1789, de belles, de sédui-