Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/671

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Texte en gras[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 septembre 1789.] 597 obligé pour cela d'interroger les mêmes députés. Ce moyen, qui concilie tous les intérêts, tient à former", non pas deux ou trois Chambres, mais deux ou trois sections de la même Chambre. Souvenez-vous, Messieurs, de votre arrêté du 17 juin; il est fondamental, puisque c'est de ce jour que date votre existence en Assemblée na- tionale ; vous y avez déclaré que l'Assemblée na- tionale est une et indivisible. Ce qui fait l'unité et l'indivisibilité d'une Assemblée, c'est Y unité de décision, ce n'est pas l'unité de discussion. Il est évident qu'il est bon quelquefois de discuter deux et même trois fois la même question. Rien n'empêche que cette triple discussion se fasse dans trois salles séparées, devant trois divisions de l'Assemblée, sur lesquelles dès lors vous n'a- vez plus à craindre l'action de la même cause d'erreur, de précipitation ou de séduction ora- toire. Il suffira que la détermination ou le dé- cret ne puisse être que le résultat de la pluralité des suffrages recueillis dans les trois sections, de la même manière qu'ils le seraient si tous les députés se trouvaient réunis dans la même salle; c'est-à-dire, pour me servir du langage usité, pourvu que les suffrages soient pris par têtes et non par Chambres. En admettant la triple discussion ainsi que je la propose, on remplirait l'intention de la plu- part de ceux qui réclament le veto suspensif, de tous ceux au moins qui ne veulent du veto que ses avantages. On n'aurait plus même besoin d'accorder le veto à personne, car il se trouve naturellement dans la division indiquée, puisque si une section de l'Assemblée juge à propos de retarder sa discussion, vous avez, par cela même, tout l'effet du veto suspensif. Que s'il arrive à chacune des trois sections de vouloir, sur un point, terminer promptement, c'est une grande preuve, à mon avis, qu'ainsi le demande l'inté- rêt général, et que, dans ce cas, l'usage d'un veto suspensif serait nuisible. Dans le plan infiniment simple qui vous est présenté, il se trouve donc un veto suspensif, cal- culé au juste degré d'utilité qu'il doit avoir, sans entraîner aucun inconvénient. C'est donc à celui- là qu'il faut s'en tenir. Je ne vois pas, en effet, pourquoi, si l'exercice d'un veto suspensif est bon et utile, on le sortirait de la place que la nature des choses lui a destinée dans la législature elle- même. Le premier qui, en mécanique, fit usage du régulateur, se garda bien de le placer hors de la machine dont il voulait modérer le mouve- ment trop précipité. D'ailleurs, nous avons prou- vé, nous avons reconnu plus haut que le droit d'empêcher ou de suspendre n'est souvent que le droit de faire ; qu'il répugne de vouloir les séparer; que, surtout, il ne faut, dans aucun cas, en confier l'usage au pouvoir exécutif. En le faisant donc exercer d'une manière natu- relle par les différentes sections de l'Assemblée législative elle-même, nous n'ôtons rien aux droits du chef de la nation. Il aura sur ce veto la même influence que sur la loi; et dans mes idées, c'est toujours lui qui est censé la pronon- cer au milieu de nous. 11 est vrai que ceux qui cherchent dans le veto autre chose que ses avantages; ceux qui, au lieu de consulter les vrais besoins d'un établisse- ment, dans sa nature même, cherchent toujours, hors de leur sujet, des copies à imiter, ne vou- dront pas reconnaître dans le veto naturel que j'indique celui qu'ils out dans leurs vues. Mais, dès que nous serons assurés d'avoir établi tout ce qu'exige l'intérêt de la nation, et par conséquent l'intérêt du Roi, est-il permis d'aller plus loin? Opposera-t-on enfin que, malgré toutes nos précautions, il n'est pas absolument impossible que l'erreur se glisse dans un décret de la légis- lature? je répondrai, en dernier résultat, que j'aime mieux, dans ce cas infiniment rare, laisser l'erreur à réformer au Corps législatif lui-même, dans les sessions suivantes, que d'admettre dans la machine législative un rouage étranger, avec lequel on suspendra arbitrairement l'action de son ressort. Avant de finir , je dirai un mot sur la perma- nence de l'Assemblée nationale, non pour en prou- ver la nécessité ; elle est trop impérieusement commandée par les principes, par les circon- stances, par les plus puissantes considérations, pour craindre qu'elle n'ait pas en sa faveur, à peu près, l'unanimité des suffrages. Je me per- mettrai seulement d'observer que ceux-là se trompent, à mon avis, qui veulent renouveler tous les membres de la législature à chaque ses- sion. 11 faut éviter avec soin tout ce qui tend à établir l'aristocratie ; mais, quand on a pris des précautions plus que suffisantes, il ne faut pas qu'une peur chimérique nous fasse tomber dans le malheur très-réel de ne faire les lois que par saccades; il ne faut pas rendre impossibles celte identité de principes et celte uniformité d'es- prit qui doive se trouver dans toutebonne légis- lation. Enfin, il ne faut pas que l'expérience des uns soit perdue pour les autres. Quand on voudra bien ne pas perdre de vue qu'il ne s'agit pas d'exercer le pouvoir consti- tuant (ce pouvoir, à la vérité, exigerait, à cha- que session, un renouvellement total de ses membres), mais qu'il s'agit seulement de décré- ter les lois et les règlements nécessaires au maintien journalier de la liberté, delà propriété, de la sécurité, et de surveiller la recette et la dépense des deniers publics ; on se convaincra sans doute que le renouvellement des députés peut, sans danger, être partiel, et se faire an- nuellement par tiers, de sorte qu'il y ait toujours un tiers des membres avec l'expérience de deux ans, un tiers avec les lumières d'une année de travail, et enfin un nouveau tiers arrivant an- nuellement des provinces, pour entretenir tou- jours le Corps législatif des besoins et des der- nières opinions du peuple. Un corps ainsi constitué ne deviendra jamais aristocratique, si nous décidons en même temps qu'il faudra un intervalle quelconque pour être de nouveau éligible. Je finis par proposer à l'Assemblée l'amende- ment que j'ai annoncé dans le courant de mon opinion. Je ne le présente que parce que je le crois d'une nécessité pressante. S'il n'est pas ap- puyé, ou s'il est rejeté, j'aurai du moins acquitté ce que je crois de mon devoir, en prévenant sur le danger qui menace la France, si on laisse les municipalités s'organiser en républiques com- plètes et indépendantes. Voici l'avis que je pro- pose : « Qu'il soit nommé dans la journée un comité de trois personnes pour présenter, le plus tôt possible,à l'Assemblée un plan de munici- palités et de provinces, tel qu'on puisse espérer de ne pas voir le royaume se déchirer en une multitude de petits Etats sous forme républi- caine ; et qu'au contraire, la France puisse for- mer un seul tout, soumis uniformément, dans toutes ses parties, à une législation et à une ad- ministration communes. »