Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 10.djvu/113

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qu’ils avaient vu autre chose dans les pays étrangers. Ceux qui y avaient souffert plus ou moins des préjugés nés du système colonial, étaient les plus ardens à prêcher une sorte de croisade contre les étrangers, à entretenir les préventions nationales contre eux ; et comme le gouvernement ne voulait ni ne devait écouter ceux-là, c’était encore pour eux un motif d’opposition.

Enfin, on était arrivé à une époque où l’instruction publique avait produit ses fruits, au Port-au-Prince surtout où le lycée national était établi. Les enfans qui y avaient été placés en 1816 étaient aujourd’hui de jeunes hommes de 25 ans ; dans les années suivantes, cette pépinière avait été entretenue et elle présentait encore des jeunes gens de 16 à 21 ans. Plus instruits, mais non pas plus éclairés que beaucoup de leurs devanciers, ils entraient dans la société avec toutes les illusions naturelles à la jeunesse, avec le désir de se caser aussi dans l’ordre administratif ou politique, de se distinguer en servant leur pays avec patriotisme[1]. Leur esprit, nourri des beaux faits de l’histoire de Grèce et de Rome, avait besoin d’atteindre à un résultat ; ils entendaient le langage acrimonieux de l’Opposition qui accusait le chef du gouvernement d’une foule de choses, de ne pas faire avancer le pays, et ils ne pouvaient guère se défendre de partager ses opinions. On conçoit sans doute qu’en nous exprimant ainsi, nous entendons noter des exceptions parmi eux : il n’y a pas de règle générale qui n’en admette.

Si l’Opposition se manifestait surtout dans la société, dans

  1. Plusieurs élèves du lycée, pensionnaires de l’État dans les premiers temps, avaient été admis par Boyer, à leur sortie, comme éleves dans le corps du génie militaire, au grade de sergent-major pour devenir ensuite officiers. D’autres devinrent d’abord répétiteurs, puis professeurs au lycée même.