Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 11.djvu/253

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trois articles y furent consacrés. Un quatrième article prescrivit le serment que chaque membre de la « Société des droits de l’homme et du citoyen » devait prêter entre ses mains, « pour le salut et la régénération d’Haïti. » Dès lors il prit le titre de « Chef d’exécution des volontés du peuple souverain et de ses résolutions. »

Tels furent les actes préparatoires d’organisation relative à l’insurrection que l’Opposition devait proclamer aux Cayes, aussitôt que le moment en serait venu : de nombreuses adhésions y eurent lieu par la suite[1].

On trouve dans le Manifeste, le germe de toutes les autres accusations portées contre Boyer, quand cette entreprise eut été couronnée de succès. Le langage passionné dont les opposans se servirent à son égard, n’a rien que de fort naturel de leur part et par rapport au temps où ils écrivaient cette pièce : il faut toujours juger les actions des hommes à raison de l’époque et des circonstances où ils se trouvent, de même qu’on juge celles des gouvernemens, pour prononcer avec équité. D’ailleurs, on est toujours violent envers un chef que l’on veut renverser du pouvoir ; on charge de couleurs sombres le tableau que l’on fait de son administration, pour mieux entraîner les masses ; mais, c’est à l’histoire qu’il appartient d’en ménager les teintes, d’offrir la vérité, pour éclairer le jugement de la postérité.

L’Opposition sentait si bien que le peuple, en général, n’aurait pas été disposé à concourir au renversement du président Boyer, qu’il lui a fallu changer de tactique dès

  1. J’ai appris d’une personne bien informée que ce Manifeste a été substitué à un autre acte très-modéré à l’égard de Boyer. Dans le premier plan conçu aux Cayes, chaque commune devait nommer secrètement un député ; à un jour donné, tous les députés devaient être rendus au Port-au-Prince, afin de présenter à Boyer cet acte modéré par lequel ils le solliciteraient d’accorder au pays les réformes réclamées par l’Opposition. L’insurrection n’aurait eu lieu qu’en cas d’insuccès.