Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/321

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contraint de mépriser, d’asservir le mulâtre ; car il est le descendant du nègre que son intérêt, sa cupidité, son avidité retiennent dans les fers.

C’est ce que ne comprirent pas Savary et les autres traîtres qui suivirent sa honteuse bannière ; mais c’est ce que comprirent fort bien Pinchinat, Bauvais, Rigaud, A. Chanlatte, Montbrun, Villatte ettant d’autres qui honorèrent leur classe à cette époque reculée.

C’est ce que comprit aussi A. Pétion, en 1802, lorsque la France tenta de rétablir l’esclavage à Saint-Domingue. Il rallia à l’autorité suprême de Dessalines tous les hommes de sa classe.


À son arrivée au Port-au-Prince, Sonthonax trouva cette ville sous l’autorité civile de Pinchinat, sous l’autorité militaire de Montbrun : l’un et l’autre y avaient été placés par Polvérel. Sa présence enleva nécessairement à Pinchinat ses fonctions.

Il suffisait de l’influence de Pinchinat et de Montbrun sur les hommes de couleur de cette ville, pour les tenir dans la ligne du devoir. Celle de Bauvais, au Mirebalais, ne contribuait pas moins à ce résultat. Les autres communes de l’Ouest suivaient leur inspiration. Ces hommes d’élite étaient sincèrement attachés à Polvérel.

Pinchinat, en apprenant les faits qui venaient de se passer à Saint-Marc, s’empressa d’adresser une lettre aux hommes de couleur de sa ville natale, sur lesquels il avait jusque-là exercé une grande influence ; mais elle fut inefficace, par les manœuvres de Savary. Il renouvela en vain son appel à leurs sentimens de fraternité, lorsque la trahison eut été consommée[1].

  1. Ces écrits de Pinchinat, et un autre qu’il publia en France, on 1798, attestent qu’à l’arrivée de Sonthonax à Saint-Marc, il n’y était pas.