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taient soumis à eux. Beaucoup d’émigrés français, semblables à une nuée de vautours, s’étaient abattus d’Europe sur Saint-Domingue ; ils le considéraient comme une proie qui resterait entre les mains des ennemis de leur patrie. La plupart des colons expatriés depuis le commencement de la révolution, contre-révolutionnaires ou factieux déportés par les commissaires civils, y revinrent presque aussitôt. Parmi ces derniers, on distinguait Cambefort, Touzard, Rouvray, O’Gorman, Montalet, Belin de Villeneuve, Montazeau, etc., tous nobles et propriétaires dans la colonie.

Avec les émigrés, les colons, les mulâtres et nègres libres soumis à eux, les Anglais formèrent bientôt plusieurs beaux régimens, bien habillés, parfaitement équipés, organisés enfin tels que sait le faire la Grande-Bretagne en pareils cas, avec cette intelligence et cette vigueur qui lui sont propres. Des troupes venues successivement d’Europe portèrent leurs forces à douze mille hommes. Leurs vaisseaux complétèrent leurs moyens d’action.

Naturellement le régime colonial ancien fut rétabli. Mais si les Anglais usèrent de ménagemens étudiés envers les mulâtres et les nègres libres, leurs sympathies étaient pour les blancs. Ils employèrent ces derniers dans toutes les administrations, dans les tribunaux qu’ils rétablirent sur le pied de l’ancien régime, avec les mêmes lois antérieures à la révolution. Ils ne pouvaient mieux faire à cet égard. Les noirs furent remis en esclavage dans le voisinage de toutes les villes occupées par eux. L’influence de quelques-uns de leurs chefs, tels que Jean Kina dans la Grande-Anse, Hyacinthe au Cul-de-Sac, et la défection des mulâtres et nègres libres, contribuèrent à cet odieux résultat.