Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/434

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exercée ; il doit penser que les écarts de ses soldats rejaillissent sur lui, et se croire avili des fautes de ceux qu’il commande. Les mêmes sentimens doivent animer à un plus haut degré encore, les chefs de bataillons pour leurs bataillons, et les chefs de brigades pour leurs brigades. Ils doivent les regarder comme leurs propres familles, quand les individus qui les composent remplissent bien leurs devoirs, et se montrer en chefs rigides lorsqu’ils s’en écartent.

Tel est le langage que j’ai tenu au général Moïse depuis dix ans, dans toutes mes conversations particulières, que je lui ai répétées mille fois en présence de ses camarades, en présence des généraux, que je lui ai renouvelé dans ma correspondance : tels sont les principes et les sentimens consignés dans mille de mes lettres. Dans toutes les occasions, j’ai cherché à lui expliquer les saintes maximes de notre religion, à lui prouver que l’homme n’est rien, sans la puissance et la volonté de Dieu ; que les devoirs d’un chrétien qui a reçu le baptême ne devaient jamais être négligés ; que, lorsqu’un homme brave la Providence, il doit s’attendre à une fin terrible : que n’ai-je pas fait pour le ramènera la vertu, à l’équité, à la bienfaisance, pour changer ses inclinations vicieuses, pour l’empêcher de se précipiter dans l’abîme ? Dieu seul le sait. Au lieu d’écouter les conseils d’un père, d’obéir aux ordres d’un chef dévoué au bonheur de la colonie, il n’a voulu se laisser guider que par ses passions, ne suivre que ses funestes penchans : il a péri misérablement !

Tel est le sort réservé à tous ceux qui voudront l’imiter. La justice du ciel est lente, mais elle est infaillible, et tôt ou tard elle frappe les méchans et les écrase comme la foudre.

La cruelle expérience que je viens de faire ne sera pas inutile pour moi ; et d’après l’inconduite du général Moïse, il ne sera plus nommé de général divisionnaire, jusqu’à de nouveaux ordres du gouvernement français.

Le général Dessalines, néanmoins, à cause des services qu’il a rendus, conservera son grade de général divisionnaire.

Dans une de mes proclamations, à l’époque de la guerre du Sud, j’avais tracé les devoirs des pères et mères envers leurs enfans, l’obligation où ils étaient de les élever dans l’amour et la crainte de Dieu, ayant toujours regardé la religion comme la base de toutes les vertus et le fondement du bonheur des sociétés. En effet, quels sont ceux qui, depuis la révolution, ont causé les plus grands malheurs de la colonie ? N’ont-ils pas été tous des hommes sans religion et sans mœurs ? Celui