Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/19

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état de choses, et qu’il réclamât une liberté absolue pour les Aborigènes. Il allégua, en outre, que la condition des Africains s’améliorerait même dans cette colonie, parce qu’étant déjà esclaves dans leur pays natal, ils recevraient du moins le bienfait de l’enseignement du christianisme sous les maîtres espagnols.

Telle est l’excuse qui a été présentée en faveur du Protecteur des Indiens. Mais, si l’on admet qu’il était sincère dans ce sentiment du prêtre chrétien qui sollicite sans cesse de nouveaux convertis pour sa religion, surtout en considération du temps où il agissait ainsi, — à l’époque où l’Espagne venait de triompher des Maures musulmans, et était en proie à la Sainte Inquisition, — il faut convenir qu’il transigeait étrangement sur le droit naturel des hommes, et qu’il fournissait à ses compatriotes comme à tous les Européens, des argumens spécieux, un prétexte plausible pour persévérer dans cette voie criminelle, devenue si nuisible aux habitans de l’Afrique.

Quelle qu’ait été la bonne foi ou l’erreur de Las Casas, il est certain que c’est à partir de la décision qui fut prise sur ses infatigables instances, que la colonie espagnole d’Haïti accrut l’importation des Noirs par la traite ; et à mesure que la population indigène s’éteignait par l’excès de ses maux, celle venue d’Afrique augmentait en proportion. Par la suite des temps, les autres Antilles, successivement fondées en colonies, formèrent également leur population laborieuse avec les infortunés enfans de l’Afrique réduits en esclavage, parce qu’on avait exterminé aussi leurs habitans.

Il est tout-à-fait inutile que nous revenions ici sur un sujet si souvent traité, et par nous-même dans le premier livre de cet ouvrage. Nous y avons exposé la condition