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des gens sur lesquels je puis compter ; tant pis pour les insensés qui s’agiteront ! »

Et s’adressant ensuite à Inginac, directeur des domaines, il lui dit : « Sans doute, il n’y a plus de biens domaniaux dans la 2e division de l’Ouest ; d’après vos rapports de complaisance, les Vastey, les Blanchet, auront mis en possession des biens de l’Etat, les fils des colons au préjudice de mes pauvres noirs. Prenez garde à vous ! Nègres et Mulâtres, nous avons tous combattu contre les blancs ; les biens que nous avons conquis en versant notre sang, appartiennent à nous tous ; j’entends quils soient partagés avec équité. Inginac voulut répondre, mais Dessalines lui imposa silence[1]. »

Ces dernières paroles avaient le mérite de diminuer l’aigreur des premières ; mais cependant, il resterait prouvé que le refus de Pétion lui avait suggéré des sentimens fort blâmables à l’égard des mulâtres. D’abord, il n’était pas juste de faire entendre, de prétendre que les noirs avaient fait la guerre pour eux, pour les autres ; car sans eux, sans ces hommes de l’ancien parti de Rigaud, dont Dessalines rappelait si malencontreusement la querelle avec Toussaint Louverture, comme une menace, il n’eût pas eu la gloire d’être le principal fondateur de l’indépendance d’Haïti : c’est à leur concours dévoué qu’il dut, même la soumission des noirs de l’Ouest, du Sud et du Nord aussi.

À cet égard, il suffit de rappeler la haine que lui portaient Sans-Souci, Petit Noël et les Congos du Nord, Lamour Dérance et autres dans l’Ouest et dans le Sud. Dans ces trois provinces du pays, les noirs, à la prise d’armes contre les Français, se ressouvenaient que lui,

  1. Hist. d’Haïti, t. 3 p. 247 et 248. M. Madiou paraît avoir appris ces particularités d’Inginac même.