Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/309

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quand, le lendemain 8 octobre, il arriva aux Karatas. Là étaient réunis une centaine de propriétaires et cultivateurs, tous armés et en embuscade, et Messeroux à leur tête : ils en sortirent aussitôt et entourèrent Moreau tumultueusement, sans tenter autre chose que son arrestation en tenant la bride de son cheval. Maurant Mallet fut le premier qui agit ainsi. Le trompette de ses guides ayant voulu cependant sonner la charge, ils menacèrent de faire feu. Etonné de voir parmi eux Messeroux qui, la veille, était venu le saluer et causer avec lui, il lui demanda et à eux tous, quel était le motif de leur rassemblement et de ces actes d’hostilité commis à son égard, en leur disant en outre que, s’ils n’étaient pas tous ses concitoyens et ses frères, il pourrait concevoir des craintes sur leur dessein. Ce langage timide les enhardit. Messeroux prit la parole alors, et lui répondit : « qu’ils étaient las du joug de Dessalines ; qu’ils avaient pris les armes contre sa tyrannie, parce qu’il avait arbitrairement dépossédé de leurs biens un grand nombre d’entre eux ; que ses actes étaient iniques et révoltans, notamment celui qui les empêchait de vendre leurs cafés à moins de 20 sous la livre, sans égard à leurs besoins, de sorte qu’ils souffraient de mille privations, leurs cafés restant invendus, ne pouvant pas en disposer à leur gré[1] ; qu’enfin, ils ne voulaient pas lui faire de mal, à lui, Moreau, mais que, pour leur sûreté, il devait leur remettre ses armes. »

  1. Ce reproche ne s’accorderait pas avec le prix de 27 et 28 sous dont parle l’Hist. d’Haïti (t. 3, p. 224) pour le mois de mai 1805, à moins de supposer qu’en 1806, le café valait moins de 20 sous, et que Dessalines ordonna alors de tenir la main, afin de contraindre le commerce étranger à le payer à ce prix. D’un autre côté, il taxa le café à 25 sous la livre pour prélever le droit d’exportation.