Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/340

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bert qui, ayant essayé de nouveau de faire entendre raison et justice, mais vainement, se retirèrent aussi de la délibération. Son résultat fut de mettre à mort les deux généraux prisonniers.

Guillaume Lafleur avait été officier des dragons de l’escorte de Rigaud, sous les ordres de Borgelia. Il trouva ce dernier commandant de place à Aquin, lorsqu’il fut élevé au rang de général de brigade commandant de cet arrondissement. Leurs anciennes relations d’amitié continuèrent sur le même pied dans leur nouvelle position respective. D’ailleurs, Lafleur avait toujours été un officier d’honneur, un homme de bien, rendant service à tous ceux qui pouvaient avoir besoin de sa protection. Son administration à Aquin n’avait eu rien d’acerbe. Il n’était pas plus dévoué à Dessalines que ne l’était le général Vaval, contre lequel on avait autant de préventions injustes. Avec l’idée qu’on se faisait généralement de la puissance formidable de Dessalines, Lafleur a pu croire que c’était une grande faute, une grande folie, que de se soulever contre lui ; que ce serait attirer sur le Sud de nouveaux désastres pareils à ceux dont il avait été témoin en 1800. Si Wagnac lui eût accordé l’entretien qu’il avait demandé, il est fort possible que ce colonel l’eût amené à adhérer au mouvement. Se voyant traité comme suspect d’un dévouement outré à Dessalines, lui ayant écrit pour l’informer des événemens du Port-Salut, il dut se croire lié par l’honneur, et il ne céda point. Dans tous les cas, sa mort n’était pas nécessaire ; on ne pouvait rien lui reprocher. Mais comment faire entendre la voix de la modération dans les crises politiques ? La divergence des opinions produit alors des inimitiés, des haines implacables : on s’acharne plus contre son concitoyen,