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palais les autorités et les principaux citoyens : Bonnet s’y trouva aussi. Dans cette réunion, quelles paroles prononça-t-il, en prenant une attitude sombre ? « L’insurrection du Sud et de l’Ouest, dit-il,… est le résultat de l’ambition. On en veut aux hommes éclairés, car on a assassiné Boisrond Tonnerre : on en veut aux noirs, car on a assassiné Mentor. Vous ne m’aviez pas parlé de ces crimes, général Bonnet ! » Mais Bonnet eut le noble courage de lui rappeler ce qu’il lui avait dit à la citadelle, à l’égard de Mentor. « Cette réponse déconcerta Christophe qui ne s’y attendait nullement. Il se leva et se retira dans un autre appartement. »

Nous passons sous silence les propos qu’il y tint à plusieurs officiers ; mais le lendemain, il manda Bonnet au palais et lui dit dans un entretien particulier : « On a bien fait d’avoir sacrifié Mentor ; c’était un grand ambitieux. Mais je suis forcé de condamner ce fait en présence de ces brigands qui m’entourent : si, par mes paroles, je ne les contenais pas, ils se livreraient à toutes sortes d’excès et tenteraient de m’assassiner. Hier, je n’ai entendu blâmer, ni vous ni Pétion.[1] »

Il résulte clairement de toutes ces scènes machiavéliques, que Christophe était plus préoccupé de déjouer les projets qu’il redoutait dans le Nord, qu’il n’avait de crainte par rapport à Pétion et Gérin, et aux officiers du Sud. Et si l’auteur dont nous discutons les appréciations, n’a pas accusé Chrisiophe, textuellement, de manquer de sincérité, d’être d’une mauvaise foi insigne, du moins nous le remercions d’avoir fourni assez de preuves de cette perfidie qui caractérisait ce cruel, pour nous mettre

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 348.