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pouvaient seules préserver le pays des horreurs de l’anarchie et de sa ruine totale, auprès des généraux, des chefs de corps, des soldats, des habitans et des cultivateurs…[1]»

Le but réel de cette mission était d’opérer dans le Sud, encore dans une agitation fiévreuse qui occupait tous les instans de Gérin, ce que Christophe avait tenté auprès de Yayou, — non que Dartiguenave l’eût fait sciemment, mais ce qui serait résulté s’il y était allé pour recevoir toutes les plaintes : car Dartiguenave, homme de bien et citoyen du Sud, n’aurait pas voulu bouleverser ce département où il avait toutes ses affections de famille, tous ses amis. Qui pouvait ne pas se plaindre de Gérin, parmi les soldats, etc., etc., lorsque chaque individu nourrissait des prétentions exorbitantes, qu’il avait peine à contenir, ne possédant pas le tact de Pétion ?

Dartiguenave avait en outre le pouvoir de conférer des commandemens, de faire tous les changemens qu’il jugerait nécessaires dans les fortifications ; et « le ministre Gérin s’adjoindrait à lui dans sa mission et l’aiderait de ses conseils.[2] » C’était l’annulation de Gérin, l’anéantissement de son autorité dans le Sud, que voulait le chef provisoire du gouvernement ; car conçoit-on qu’un ministre, un général de division, à qui l’armée et la population avaient déféré de leur propre mouvement, le commandement supérieur pour les guider contre la tyrannie, fût réduit au rôle passif de simple conseiller d’un général de brigade, dans un temps d’effervescence politique ?

Mais Pétion était là, qui veillait dans cette fameuse ville du Port-au-Prince, pour la conservation de l’autorité

  1. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 357.
  2. Ibid.