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autant que possible la juste reconnaissance de notre indépendance. Les philantropes eux-mêmes, ces amis de l’humanité qui avaient tant écrit en faveur de la race noire, se sont vu reprocher leurs nobles efforts pour obtenir au moins un adoucissement à son malheureux sort.

D’un autre côté, notre régime intérieur se fût ressenti de cette générosité envers nos oppresseurs, tandis qu’il a revêtu aussitôt un caractère de violence dont la progression rapide a poussé le peuple au sacrifice du chef qui avait tant mérité de sa gratitude, par l’énergie, la fermeté et le dévouement qu’il montra dans la guerre de l’indépendance.

Tout dépend, en effet, des principes qui servent de base à une nationalité naissante. Si celui qui préside à la formation d’un jeune peuple le lance, dès cet instant, dans une voie contraire aux saines maximes de la morale, il s’expose lui-même à périr victime de ses propres déviations à cet ordre sacré qui, seul, conserve les sociétés humaines. Il entrave le développement de la civilisation de celle qui s’est fondée sous ses auspices, de sa prospérité, de son bonheur ; et par sa faute, il amoindrit la gloire qu’il a justement acquise par ses efforts patriotiques.

Loin de nous, cependant, l’intention de ravir à la mémoire de Dessalines le droit qu’il a à la reconnaissance nationale, pour l’énergie qu’il a montrée dans notre lutte contre l’armée française ; car il y a longtemps déjà que nous lui avons reconnu le titre glorieux de Libérateur d’Haïti,[1] titre fondé sur ses éminens services militaires.

  1. Géographie d’Haïti, publiée en 1832, p. 22.